C’est indubitablement à l’Enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie, qu’on appelle d’ailleurs communément la Commission Berger, qu’est avant tout associé le nom de Thomas Berger (1933-2021). Cette commission d’enquête (1974-1977) était d’un genre à l’époque inédit et d’une envergure conséquente au projet de pipeline de gaz dont elle devait étudier les répercussions sociales, environnementales et économiques.
Nommé par le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau, le juge Berger mena des audiences dans 35 collectivités du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest ainsi que dans des villes du Sud. Au terme de la commission, il recommanda au gouvernement canadien de mettre en place un moratoire de dix sur la construction d’un pipeline et de régler avant tout les revendications territoriales inuvialuite, métisse et dénée.
Le Nord : terre lointaine, terre ancestrale : rapport de l’Enquête sur le pipeline de la vallée du Mackenzie compte plus de 500 pages.
Faire une différence
Si la Commission Berger n’a pas accéléré le règlement des revendications, avançait en 2021 l’ainé et ancien journaliste ténois Paul Andrew, elle a instillé au sein du pouvoir fédéral l’utilisation d’une terminologie révélatrice avec des termes tels que « gouvernement autonome » et « droits autochtones ». « Des choses qu’il n’avait jamais reconnues avant », soulignait M. Andrew. « Thomas Berger a fait une différence, pas seulement pour les Autochtones dans le Nord, mais partout au Canada. »
Autres cas significatifs
Si l’ouvrage dirigé par Drew Ann Wake, réalisatrice, productrice multimédia et ancienne journaliste de CBC à Yellowknife, commente abondamment cette démarche historique, d’autres causes impliquant Thomas R. Berger sont également analysées dans des contributions de l’ancienne avocate métisse Jean Teillet, de l’ex-présidente du Conseil inuit circumpolaire, Dalee Sambo Dorough, du professeur de droit Michael Jackson et de Thomas Berger lui-même.
Dès 1963, ce dernier a défendu en Colombie-Britannique les chasseurs Clifford White et David Bob accusés, malgré un traité datant du XIXe siècle, d’avoir chassé illégalement. La cause devait se rendre en Cour suprême du Canada et être considérée comme « la première salve des peuples autochtones du Canada dans leur quête pour rétablir la reconnaissance et le respect pour leurs droits autochtones et de traités. »
L’Alaska, la Peel
Au milieu des années 1980, doté d’une célébrité dépassant les frontières du Canada, M. Berger fut embauché pour une révision de la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de l’Alaska, dans le cadre de laquelle furent menées 36 audiences communautaires, avec des résultats cependant moins heureux que dans la décennie précédente. Plus tard, au côté de l’avocate Margie Rosling, il œuvra pour la Société pour la nature et les parcs du Canada, la Yukon Conservation Society et quatre collectivités gwich’ins afin que soit accordée une protection légale au bassin versant de la rivière Peel.
Against the Odds s’enrichit d’une section photographique illustrant les causes abordées et de témoignages après-coup des protagonistes de celles-ci.
Cause absente du livre, au début du XXIe siècle, M. Berger se vit attribuer le rôle de médiateur entre le Canada, le Nunavut et Nunavut Tunngavik Incorporated pour la mise en œuvre de l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.
« Dans Against the Odds, j’ai tenté de tisser la passion de Tom pour ce que le système juridique peut amener de justice aux Premières Nations avec ma propre conviction que le courage et la détermination des familles, des leadeurs et des communautés autochtones ont forcé les Canadiens à régler ces problèmes », témoigne Drew Ann Wake.
Aucune traduction en français n’est pour l’instant anticipée.
Against the Odds — The Indigenous Rights Cases of Thomas R. Berger.
Drew Ann Wake
Durville, septembre 2024, 308 pages.
Une collaboration des cinq médias francophones des territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, L’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.