« Notre étude montre que c’est la région du Nord, la plus vulnérable, la plus sensible avec le changement climatique », relève un des chercheurs, Hossein Bonakdari, de l’Université d’Ottawa. Dans le scénario avec le grand niveau d’émissions de gaz à effet de serre, « c’est une condition très, très difficile et, surtout, je dois insister, une augmentation importante de la sécheresse dans les régions du fleuve Mackenzie et du grand lac des Esclaves. »
Processus
L’étude, dont une version a été publiée dans le périodique Climate, utilise les données de l’Outil de surveillance des sécheresses du gouvernement canadien, élaboré à partir de différentes sources comme l’indice de végétation par différence normalisée, les valeurs de débit d’eau, et ERA5-Land une série chronologique des précipitations mensuelles moyennes et de la température de l’air pour 199 sites d’échantillonnage au Canada. Ces données ont ensuite été traitées par Google Earth Engine et utilisées pour développer un modèle de réseau neuronal convolutif.
L’utilisation de données satellitaires permet de transcender le manque de stations hydrométriques et météorologiques dans le Nord.
« Nous avons fait pour la première fois une étude […] à l’échelle du pays », précise M. Bonakdari. « Nous avons utilisé les observations satellitaires et nous avons transféré les images pour le développement de notre modèle de l’IA. Nous avons utilisé plus d’un million d’échantillonnages pour le développement du modèle. C’est un gros, gros modèle qui peut nous donner une image claire des variations et détecter les zones sensibles à la sécheresse dans un futur proche, et même à long terme. […] C’est le moment pour développer les stratégies. Maintenant, on peut dire dans quel endroit nous avons des problèmes. […] On peut répondre aux questions du gouvernement ou des parties qui prennent des décisions. »
Quatre scénarios
Pour leur étude, les chercheurs ont développé quatre scénarios de changements climatiques. Dans le premier, SSP126, des réductions d’émissions significatives des gaz à effet de serre atténuent l’augmentation de la température et la fréquence de sécheresse. À l’autre bout du spectre, le scénario SSP585 est construit avec le plus haut degré d’émissions. « Des conditions de sécheresse sévères causeront des perturbations significatives de l’accès à l’eau, des défaillances agricoles, des risques accrus de maladies et de décès reliés à la chaleur », écrivent les auteurs.
Pour M. Bonakdari, avec les feux de forêt et la production actuelle de GES, c’est le scénario qu’il faut davantage considérer.
Ces quatre scénarios sont appliqués aux périodes 2024-2040, 2041-2060, 2061-2080 et 2081-2100.
Les territoires touchés
Pour toutes les périodes évaluées, ce sont les territoires qui montrent les plus grandes hausses de température au Canada, particulièrement le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest. Pour la période de 2081 à 2100, on anticipe une hausse de température au Nunavut de 6,21 oC dans le meilleur des cas, et de 13,08 oC dans le scénario SSP585. Plus près d’aujourd’hui, pour la période de 2024 à 2040, dans le scénario le plus pessimiste, les chercheurs prévoient des hausses respectives de 4,52 oC, de 5,65 oC et de 7,38 oC pour le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut.
Tous scénarios confondus, on anticipe pour les trois territoires une hausse des précipitations qui ne pourra cependant empêcher le phénomène de la sécheresse. Hossein Bonakdari souligne effectivement un changement dans la répartition et le calendrier des précipitations.
« Plus de pluies qui tombent en hiver, moins pendant les saisons importantes pour les cultures », précise-t-il. « La quantité totale augmente, mais on va observer plus de changements climatiques qui entraînent des pluies plus intenses et moins courtes. Si on reste avec SSP126, c’est vraiment une condition favorable […] où nous n’avons pas beaucoup de problèmes de sécheresse sérieuse. Par contre, si on passe à SSP585, c’est une condition très, très difficile, une augmentation importante de la sécheresse dans les régions, des sécheresses très sévères, qui reviendront plus fréquemment. »
« Les niveaux du grand lac des Esclaves et du fleuve Mackenzie seront très, très bas », anticipe le chercheur.
Keyvan Soltani, Isa Ebtehaj et Silvio José Gumiere, de l’Université Laval, Afshin Amiri et Sina Fazeli, de l’Université de Téhéran, Hanieh Cheshmehghasabani, de l’Université Rasy, et Hossein Bonakdari, de l’Université d’Ottawa.
Une collaboration des cinq médias francophones des territoires canadiens : les journaux L’Aquilon, L’Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.