Le Yukon compte actuellement une mine en roche dure : la mine du district argentifère de Keno Hill, exploitée par Hecla Mining Co. Le territoire compte également de nombreuses exploitations de placers.
Sebastian Jones, analyste des poissons et de la faune à la Société de conservation du Yukon (SCY), rapporte qu’il existe deux grands types d’exploitation minière au Yukon. L’exploitation des placers (mines souterraines) que l’on voit le plus souvent dans la région de Dawson. Il s’agit de mines qui travaillent uniquement dans le gravier et le sol au-dessus de la roche mère. La seconde est le quartz. La plupart du quartz est extrait de mines à ciel ouvert. Parfois, des explosifs sont utilisés pour exposer des poches de quartz.
Selon l’analyste, les mines souterraines ont moins d’impact sur l’environnement que celles à ciel ouvert puisqu’elles n’utilisent pratiquement pas de produits chimiques, par exemple.
Toutefois, « quelle que soit la prudence avec laquelle vous le faites, elles auront un effet sur l’environnement », avance-t-il. « C’est comme ça. Il le faut, parce que vous creusez le sol et qu’il n’y a pas moyen d’y échapper. »
Espèces en danger
Pour Sebastian Jones, plusieurs espèces animales permettent d’indiquer la santé de l’environnement. Il s’agit principalement des caribous et des saumons.
La SCY a réalisé une étude publiée en 2024 intitulée 2024 Report on the Clear Creek and Klaza Caribou Herds (Rapport 2024 sur les troupeaux de caribous de Clear Creek et de Klaza).
Ce rapport s’est penché sur les routes et les développements industriels et leur impact sur les deux troupeaux. Il a notamment étudié la façon dont les caribous évitent les zones où l’activité humaine est plus intense, ce qui inclut les routes, les opérations et les bâtiments.
« En plus de cela, il y a le changement climatique et les incendies de forêt qui ajoutent un impact de stress sur le caribou. Cela enlève surtout l’environnement dans lequel les caribous peuvent vivre et finit donc par les comprimer dans des zones », explique Kayla Brehon, analyste minière à la SCY.
« Un autre indicateur important est le poisson, en particulier le saumon. Celui-ci a besoin d’une eau froide et propre, sans produits chimiques, sans boue ni rien de ce genre », rapporte Sebastian Jones.
« C’est l’une des questions auxquelles l’exploitation des placers a dû faire face : comment faire pour laver le gravier avec de l’eau, ce qui produit beaucoup de boue? Comment éviter que cette boue ne se retrouve dans les ruisseaux, en particulier lorsque l’on veut exploiter la mine dans le ruisseau? C’est un grand défi. Il s’agit donc d’un travail de longue haleine », estime-t-il.
Repenser la législation
Les lois entourant l’exploitation minière sont très anciennes. Elles ont vu le jour pendant la ruée vers l’or, au XIXe siècle.
« Si l’on examine la législation, on peut se demander si cela suffit à protéger l’environnement », se questionne Kayla Brehon. « En ce qui concerne plus particulièrement la législation sur les minéraux, la liberté d’accès est un élément important. Le fait de pouvoir revendiquer un territoire ou une zone qui n’a pas encore été exploitée peut avoir un impact considérable. C’est une législation très problématique quand on veut protéger l’environnement. »
Cependant, d’importants travaux sont en cours pour réécrire l’ensemble de la législation sur les minéraux et l’exploitation minière. « Cela ne peut plus durer », clame Sebastian Jones. « La nouvelle législation sur les minéraux doit donc supprimer le système que nous appelons “free entry staking”, ce qui signifie en fait que tout le monde peut y accéder […] Nous avons donc besoin d’une loi qui permette au gouvernement de refuser un projet. »
De son côté, Kent Bretzlaff, directeur général de l’Office d’évaluation environnementale et socio-économique du Yukon (YESAB), rapporte que l’accord d’opérer une mine s’obtient après un processus long et plutôt complexe.
YESAB a pour mandat d’évaluer les projets au Yukon et de déterminer s’il y a des répercussions négatives importantes sur les questions environnementales ou socio-économiques.
« Pour chaque projet, il y a donc trois niveaux d’évaluation et, pour chaque projet, le public a la possibilité d’être impliqué. À la fin de notre processus, nous formulons une recommandation aux décideurs. Les décideurs peuvent être le gouvernement fédéral, le gouvernement territorial ou une Première Nation du Yukon », explique Kent Bretzlaff.
Quelles solutions?
Pour Guillaume Nielsen, titulaire d’une chaire de recherche industrielle en décontamination des mines du Nord à l’Université du Yukon, il existe une volonté de la part de l’industrie minière à faire mieux. « Beaucoup d’entreprises avec lesquelles je travaille commencent à proposer des systèmes de traitement passif dans leur système post-closure, c’est-à-dire, le post-closure plan. »
Guillaume Nielsen travaille en particulier sur le traitement passif des eaux contaminées par les mines dans les climats froids : l’amélioration de l’élimination des métaux des eaux froides par des processus biologiques et chimiques.
Sebastian Jones rapporte que « très peu de mineurs veulent détruire l’environnement. La plupart des mineurs veulent effectuer un travail aussi bon que possible, mais ils doivent pouvoir gagner de l’argent en faisant cela. »
Kayla Brehon estime, malgré tout, qu’il n’existe pas de solution miracle.
« Je vois un grand avantage à ralentir, à chercher à devenir une économie plus circulaire, à chercher à réduire nos taux de consommation, au lieu d’essayer de résoudre une solution avec plus de consumérisme, comme, par exemple, si vous regardez un communiqué du gouvernement, il parlera du besoin de minéraux critiques pour une économie plus verte, une économie plus propre. Il y a un moment où, pour moi, c’est comme s’il fallait aussi regarder combien nous achetons de nouveaux appareils électroniques. »
« Je pense qu’il est très important d’écouter les gens qui vivent sur ces terres depuis des temps immémoriaux et d’écouter ce que les communautés touchées ont à dire sur le développement et sur l’impact que cela aura sur les gens qui sont aussi en première ligne lorsque des catastrophes environnementales, comme celle de Victoria Gold, se produisent », conclut-elle.
Cet article s’inscrit dans une série pour mieux comprendre l’impact de l’industrie minière au Yukon. Le prochain article de cette série abordera l’enjeu économique.
IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale