C’est la deuxième fois que les six amis partaient en expédition ensemble. De leur aventure précédente en autonomie totale dans la chaîne de montagnes Saint-Élie à la frontière du Yukon et de l’Alaska, Julien Colonge, Sébastien Overney, Claude Vallier, Anthony Calvet, William Mermoud et Antoine Bouvier conservent leurs souvenirs et le film documentaire Nunatak.
Très vite après leur retour du Yukon, l’envie de repartir ensemble a émergé. « Nunatak, c’était le voyage d’une vie. C’était exceptionnel, mais on était tous conscients de son impact environnemental. Si on voulait remonter un projet, on ne pouvait pas le faire de la même manière », constate William Mermoud, cadreur, réalisateur et membre de l’expédition.
L’archipel norvégien s’est alors vite imposé comme idée de destination. Accessible par des moyens de transport à faible empreinte carbone, le lieu allie isolement et Grand Nord. L’expédition Soft Svalbard était née.
Le voyage fait partie de l’expédition
L’expédition avait un objectif sportif : traverser en autonomie une péninsule avec des descentes de sommets sur le chemin. À cela s’ajoutait l’objectif moral de démontrer qu’il est possible d’effectuer une expédition lointaine de loisirs avec un bilan carbone raisonnable.
« On est partis de chez nous en train [dans la vallée de Chamonix en France]. On s’est récupérés les uns les autres en chemin, puis on a atteint Genève [Suisse] », raconte le Franco-Yukonnais Claude Vallier. De là, les amis ont continué en train jusqu’à Tromsø au nord de la Norvège en passant par l’Allemagne, le Danemark et la Suède. Ils ont ensuite embarqué sur un voilier pendant cinq jours pour rejoindre le point de départ de leur expédition.
« On savait que l’expédition en elle-même allait être difficile. On était préparé physiquement, mais on n’avait pas anticipé la fatigue qui s’accumulerait ni l’énergie qu’on allait perdre dans les transports, à bouger nos quelques centaines de kilos d’équipement », résume Claude Vallier.
An Arctic Journey
Cette fois encore, c’est William Mermoud qui a immortalisé l’aventure en image, dans le documentaire An Arctic Journey. La première diffusion publique du film aura lieu le 29 septembre au festival High Five d’Annecy (France), un événement international célébrant les sports de montagne.
« Le défi, finalement, c’est de réussir à ramener des images », explique William Mermoud. La météo au Svalbard est si changeante qu’au troisième jour de l’expédition, le réalisateur du documentaire n’avait toujours pas une seule image de ski. « Je n’ai pas très bien géré ça. Je savais ce que je voulais prendre, ce que je voulais raconter et j’avais besoin de belles images pour faire un documentaire qui donne envie. […] Et là, tout se condensait, le stress s’accumulait », ajoute-t-il.
Le groupe change alors son ski de pied afin de s’adapter à l’hostilité du Svalbard. « Comme il n’y avait pas de nuit, on a décidé de skier en fonction de la météo, peu importe l’heure », détaille Claude Vallier. Cette stratégie porte ses fruits. « On en discutait beaucoup tous les six, car c’est important d’être d’accord avec ce qu’on veut mettre en avant. Quand je rentre, il me faut une quinzaine de jours pour digérer l’aventure et faire un état du lieu des images, puis réécrire le film », indique William Mermoud.
Sensibiliser aux enjeux climatiques
Par l’utilisation de moyens de mobilité « doux » pour rejoindre le Svalbard, l’expédition a été dix fois moins impactant en termes d’émission de dioxyde de carbone (CO2) qu’un trajet « facile » en avion. « Mais on a mis six fois plus de temps pour s’y rendre et ça nous a coûté huit fois plus cher », nuance Claude Vallier.
Le groupe a fait plusieurs interventions dans des écoles élémentaires de France avant son départ et à son retour. Les jeunes réalisent alors qu’ils « aimeraient faire des efforts, mais que ça en demande plus que ce qu’ils pensaient », rapporte Claude Vallier. « L’idée, c’est de leur montrer que c’est en faisant des petits efforts tous les jours que ça peut aider. On leur demande par exemple ce qu’ils ont fait aujourd’hui pour réduire leur impact. […] On n’a pas un message moralisateur de dire ce qui est bien ou ce qui n’est pas bien. On leur dit ce qu’on a aimé dans cette façon de voyager et ce qu’on a moins aimé. Mais ça a été possible! »
Claude Vallier retient surtout le changement de notion de temps et d’espace. « On a pu s’immerger progressivement pour se retrouver au milieu de nulle part. À mesure que l’aventure avançait, les distances diminuaient entre le train, le bateau puis le ski et le temps ralentissait », conclut-il.
Le documentaire An Arctic Journey devrait être présenté aux élèves du programme d’apprentissage expérientiel Connexions du CSSC Paul-Émile-Mercier dans les prochaines semaines, avec un atelier animé par Claude Vallier.
IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale