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Pilote d’avion : un métier indispensable pour le territoire

Laurent Avril est pilote de ligne pour Air North, la compagnie aérienne du Yukon. Cette dernière existe depuis 1977. — Photo : Manon Touffet
Laurent Avril est pilote de ligne pour Air North, la compagnie aérienne du Yukon. Cette dernière existe depuis 1977.
Photo : Manon Touffet
Le Yukon s’étend sur près de 482 443 km2 pour un total de douze routes principales. Pour se rendre dans les endroits les plus éloignés, cachés entre deux montagnes, des petits avions sont requis. Ainsi, il existe de nombreuses compagnies aériennes qui permettent d’aider à la vie au territoire. L’Aurore boréale a rencontré cinq personnes qui partagent cette passion : l’art de piloter des avions.

Gabriel Espeut a commencé à piloter il y a une quinzaine d’années. Il avait alors 18 ans. 

Photo : Manon Touffet

Gabriel Espeut, Raphaël Pelletier, Martin Hébert, Glen Emond et Laurent Avril sont tous pilotes depuis près d’une dizaine d’années ou plus. Bien qu’ils pratiquent tous le même métier, leur quotidien est très différent, car chacun a sa spécialité.

À l’origine, Gabriel Espeut, pilote pour Tintina Air, se destinait à une carrière en commerce, mais a changé de direction il y a environ 15 ans. Il n’a jamais regretté ce choix professionnel. « Le meilleur job du monde » selon lui.

Laurent Avril est pilote de ligne pour Air North. Pour lui, ce métier s’est présenté par hasard. « J’ai toujours voulu voyager, découvrir le monde, rencontrer de nouvelles personnes. Je ne pouvais pas rester en place. Adolescent, j’aimais l’adrénaline, mais je n’ai jamais trouvé quelque chose qui m’intéressait », explique-t-il. Il voit une annonce de journal et il participe à un vol d’essai gratuit de 25 minutes. « J’ai retrouvé ce sentiment d’adrénaline. Parce qu’en tant que pilote, il ne faut pas prendre de risque, et là, je contrôlais l’avion », se souvient-il en souriant. Dès 1989, il entame ses cours privés, puis ses commerciaux et enfin des cours pour être instructeur de vol à Mascouche, au Québec.

De leur côté, Martin Hébert et Glen Emond, tous deux pilotes pour Alkan Air, ont eu la piqûre dès le plus jeune âge. Le premier vole en tant que pilote alors que le second est pilote d’ambulance aérienne. « J’ai toujours été intéressé par les avions quand j’étais jeune. Alors j’ai fait ma licence de vol privé à Alkan Air, puis j’ai joint le programme commercial aviation au Collège Okanagan, à Kelowna », explique Glen Emond.

Raphaël Pelletier a découvert le métier en Indonésie. Alors qu’il voyageait et dormait dans une auberge de jeunesse, il a rencontré un homme, lui-même pilote. « J’ai étudié à Alkan Air et, quand j’ai cumulé mes heures de vol, je suis resté pendant deux ans avec eux, puis j’ai fait deux saisons à Icefield Discovery. Depuis l’année passée, je suis avec Alpine Aviation », rapporte le francophone.

« Quand je marche, j’ai l’impression de voir en 2D, mais quand je vole, tout est en 3D. »

— Laurent Avril, pilote de ligne pour Air North

En retournant au Yukon, Glen Emond a notamment joué avec le groupe Major Funk.

Photo : Manon Touffet

Chacun sa spécialité

En tant que pilote d’ambulance aérienne, les journées de Glen Emond sont toutes différentes les unes des autres. « Je vais à Vancouver, qui est une ville très occupée, mais je vais aussi dans les communautés du Yukon, je vois de tout », commente-t-il.

Il affirme que son quotidien est plus rythmé en été, car, selon lui, c’est le moment où plus de personnes se blessent. En hiver toutefois, lui et les autres pilotes d’ambulance aérienne du territoire sont sur appel. « Je peux être chez moi, mais quand je suis appelé je dois y aller, peu importe le moment de la journée », explique-t-il.

Gabriel Espeut vole pour Tintina Air, principalement sur des vols reliés à l’industrie des mines et de l’exploration. « Les camps miniers, c’est comme un petit village, donc on fait du transport de matériel, de vivres, et de personnes », rapporte le pilote. L’été est sa saison de vol la plus importante. En hiver, il n’y a que très peu de vols pour cette industrie.

Alpine Aviation offre des vols touristiques, ce qui permet à Raphaël Pelletier de varier son quotidien. « Je suis amené à voler avec différents avions [tels que les hydravions en été], donc je n’ai pas de routine », ajoute-t-il. « C’est une autre manière de connaître le territoire. Tu connais les montagnes, mais vu d’en haut. J’ai toujours adoré la géo et la nature, alors ici… », rapporte-t-il.

Confirmation des vols et vérifications des conditions météorologiques font partie des tâches de tous les pilotes. « C’est routinier, mais flexible. Il faut voir l’avion comme un gros autobus », affirme Martin Hébert. Le pilote d’Alkan Air se souvient également de la fois où il a été assigné à un vol avec des touristes francophones. « Ça ne devait pas être moi le pilote, mais comme ils étaient francophones, on m’a demandé et j’ai dit oui! Puis, finalement, les touristes étaient super contents de pouvoir visiter le territoire avec un pilote qui parlait leur langue », raconte-t-il.

Pour Laurent Avril, il y a eu un avant et un après les attentats du 11 septembre 2001. « J’ai vu une nette différence au niveau de la sécurité. Sur les portes du poste de pilotage, il n’y avait pas de système pour barrer et j’avais le droit de mettre qui je voulais avec moi », explique le pilote d’Air North. « Je pense que c’était 3 ou 4 jours après, je me souviens être passé au-dessus des tours jumelles et on voyait la fumée. Je me souviens avoir dit à la personne assise avec moi de regarder la fumée. Je pense qu’à l’époque, je n’avais pas conscience de l’impact qui s’en venait », affirme-t-il.

Selon Martin Hébert, il y a une grande demande de pilotes dans le Nord.
Alkan Air est la seule compagnie au Yukon à offrir un service d’ambulance aérienne sept jours sur sept.

Photo : Manon Touffet

Une nécessité pour le territoire

Bien que les quotidiens de chacun soient différents, tous s’accordent pour dire que leur métier est indispensable à la vie du territoire. « Si on enlève les avions, il y a bien du monde qui ne vivrait pas au Yukon », atteste Martin Hébert.

Pour le pilote d’Alkan Air, « l’aviation est un luxe, mais c’est aussi une nécessité. Toute l’exploration minière ne se passerait pas sans l’aviation », ajoute-t-il. De son côté, Raphaël Pelletier ajoute que l’aviation est un « métier majeur ici ». « C’est très flagrant dans le Nord. Certains endroits sont accessibles seulement par avions et le tourisme dépend beaucoup de l’aviation », ajoute-t-il.

« L’aviation au Yukon permet de garantir de la nourriture et une porte de sortie », complète Laurent Avril. Gabriel Espeut abonde d’ailleurs en ce sens. « L’été dernier, j’ai été appelé en urgence. On m’a demandé de voler jusqu’à Mayo pour aider à évacuer les travailleurs de la mine [lors d’une évacuation liées aux feux de forêt] », se souvient-il.

« C’est important de faire ça. Ça rend service aux communautés », estime Glen Emond. Pour le pilote d’ambulance aérienne, aider les communautés qui ne sont peut-être pas connectées aux services médicaux est essentiel. « Ça peut sauver des vies! »

Tous s’accordent pour dire qu’être pilote est un plaisir au quotidien. « Tous les jours, je me dis : demain je vais voler. Mon bureau, c’est les fenêtres qui donnent sur les montagnes », affirme Laurent Avril.

Raphaël Pelletier a découvert le métier de pilote en rencontrant un pilote dans une auberge de jeunesse, en Indonésie.

Photo : Manon Touffet

Gabriel Espeut et Raphaël Pelletier développent dans le même sens. « Je vole dans les montagnes, les paysages sont magnifiques », souligne Raphaël Pelletier. « Chaque jour, je sais que je suis chanceux. Je ne dis jamais que je vais au travail, je dis que je vais voler. J’ai un horaire un peu partout, mais j’aime ça », exprime quant à lui Gabriel Espeut.

 

« Je sais que je suis chanceux. Je ne dis jamais que je vais au travail, je dis que je vais voler. »  

– Gabriel Espeut, pilote pour Tintina Air