le Mardi 17 septembre 2024
le Jeudi 4 avril 2024 7:51 Actualités

Skier au féminin

Amélie Latour, biathlète de 22 ans, est née en Ontario. Elle est arrivée au Yukon à l’âge d’un an. — Photo : Hanne Stadnyk
Amélie Latour, biathlète de 22 ans, est née en Ontario. Elle est arrivée au Yukon à l’âge d’un an.
Photo : Hanne Stadnyk
Alors que la saison de ski touche à sa fin, l’Aurore boréale a rencontré trois skieuses francophones afin de brosser le portrait d’Alice Crête-Bergeron, d’Amélie Latour et de Léanne Morissette. Toutes trois ont une discipline différente. Alice fait du ski de vitesse, Amélie pratique le biathlon, et Léanne fait du ski hors-piste. Leur point commun? Ce sont des filles et jeunes adultes dans un milieu qu’elles qualifient de « masculin. »

Lors des Jeux d’hiver de l’Arctique 2024, Alice Crête-Bergeron précise avoir pris confiance en elle. Elle explique désormais mieux connaître sa technique.

Photo : Fournie

Âgée de douze ans, Alice Crête-Bergeron avoue ne pas s’être heurtée à cette différence entre les hommes et les femmes. Elle indique même avoir des « amies de sport » avec qui elle skie.

Pourtant, de leur côté, Amélie Latour, biathlète de 22 ans, et Léanne Morissette, skieuse hors-piste de quatorze ans, s’accordent et mettent de l’avant les inégalités auxquelles elles se sont confrontées.

« Si on compare le nombre d’hommes au nombre de femmes, c’est disproportionné. Ça s’en vient tranquillement, mais je pense qu’il y a encore beaucoup de facteurs qui contribuent à cette disproportion », avance Amélie Latour.

Quant à Léanne Morissette, elle évoque un milieu très compétitif. Elle explique qu’être une femme qui fait du ski peut à la fois être un avantage et un inconvénient. « Le ski, c’est un milieu de gars […]. Il y en a beaucoup qui vont rabaisser les filles ou même des filles entre elles qui vont se rabaisser par jalousie. Mais je pense aussi qu’il y a des personnes qui t’admirent parce que tu es une femme qui persévère [en ski]. Le mérite vient plus quand tu es une femme », développe-t-elle.

Le manque de recherche sur les femmes est un autre point soulevé par Amélie. « Je pense qu’il y a encore un immense manque de recherche sur les entraînements spécifiques aux femmes. Toutes les recherches ont été faites sur des hommes », rapporte-t-elle.

Si une chose est sûre pour Léanne, c’est que ces inégalités la poussent à persévérer encore plus. Elle mentionne notamment Alex Armstrong, une skieuse hors-piste. « Ce n’est pas la plus connue. Et je pense qu’Internet est souvent fake, mais Alex [Armstrong] partage du vrai. […] Je l’admire pour sa persévérance. Elle a beaucoup de problèmes aux genoux et elle sait qu’elle n’aura pas une longue carrière, donc elle y va et elle est all in », explique la jeune de quatorze ans.

Léanne ajoute qu’un film de 45 minutes Advice for Girls est sorti le 22 mars dernier. Ce film met notamment en lumière l’expérience de plusieurs skieuses dans l’industrie du ski. « Ça me pousse à rencontrer des filles qui veulent la même chose que moi », ajoute-t-elle.

Née au Québec, Léanne Morissette est commanditée par l’entreprise de skis hors-piste Xalibu. « Je suis contente d’être commanditée par une entreprise locale d’où je viens », indique-t-elle.

Photo : David Morissette

Lorsque « famille » rencontre « passion »

Pour Alice Crête-Bergeron et Amélie Latour, la passion du ski est née très tôt. « Je skie depuis que j’ai quatre ans. Mais plus sérieusement depuis un an. Un jour, mes parents faisaient du ski, donc j’ai commencé à apprendre et j’ai aimé ça! », se souvient Alice.

Ayant grandi au Yukon, Amélie Latour reconnaît que le ski et le plein air ont toujours fait partie de sa vie. En effet, avant d’être biathlète, la jeune femme de 22 ans faisait du ski de fond.

Pour Léanne, le ski fait également partie intégrante de sa famille. « Mon père, c’est un accro du ski. […] Je ne me souviens pas de ne pas skier. Si on ne part pas skier une fin de semaine, c’est bizarre », raconte-t-elle.

La skieuse hors-piste ajoute skier de manière plus sérieuse depuis ses onze ans. Et avec le temps, elle s’équipe mieux, et prend de plus en plus d’assurance. « Quand je pars, j’ai une pelle avec moi et un DVA [détecteur de victimes d’avalanche]. Je pense acheter un sac d’avalanches bientôt. Pour l’instant je n’en ai pas parce que c’est très lourd », affirme-t-elle.

Toutes les trois ont donc développé leur passion grâce à leurs parents. Pourtant, elles ont chacune une raison différente d’être passionnées. Alice aime la vitesse et les différentes épreuves auxquelles elle peut concourir. « Des fois, je me dis juste “Alice, skie”. Je ne pense pas à beaucoup de choses, je me laisse aller », reconnaît-elle.

Quant à Amélie, elle aime être dehors, et elle aime l’hiver. « C’est un sport individuel, mais j’aime l’aspect communautaire des choses. On dit souvent que c’est un sport individuel d’équipe, parce qu’on s’entraîne en équipe. On est souvent ensemble », raconte-t-elle en riant. De même qu’Alice, la jeune femme raconte que son sport est toujours différent, en fonction des circuits, mais aussi des conditions météorologiques.

« C’est le fun, surtout pour descendre, annonce Léanne. J’aime regarder les paysages. Je n’ai pas besoin de penser. Quand je skie, c’est moi qui décide. J’ai ma propre vie entre mes mains. Je fais ce que je veux. C’est juste à moi de décider où je veux aller », explique-t-elle, ajoutant qu’elle aime ce sentiment de liberté.

Allier ski et école

Bien que chacune d’entre elles s’adonne à sa passion, elles sont toutes encore à l’école et peuvent parfois rencontrer des difficultés. « Des fois, c’est dur, mais je prends des décisions. J’ai quand même de la chance que mon ski, c’est samedi et le dimanche et des fois le mercredi aussi », annonce Alice Crête-Bergeron. Léanne reconnaît aussi devoir faire des choix certaines fois. « J’ai manqué l’école plusieurs fois cette année », indique-t-elle.

De son côté, Amélie Latour termine en ce moment un baccalauréat en étude du genre et de la sexualité à l’Université de Calgary. « J’ai un ou deux cours en moins par session. Ça m’a pris un an ou deux d’ajustement, mais je fonctionne très bien sur un horaire chargé. C’est juste de la planification à l’avance », affirme-t-elle. La jeune femme précise qu’elle s’entraîne le matin, va à l’école en après-midi, et travaille le soir. « J’organise ma scolarité autour de mes entraînements », complète-t-elle.

Aujourd’hui, Amélie fait partie d’une équipe de haute performance. Il y a deux ans, elle s’est même qualifiée pour les Jeux mondiaux universitaires, en Suisse, mais la compétition a été annulée à cause de la pandémie de la COVID-19. En 2016, elle a également participé aux Jeux d’hiver de l’Arctique, où elle a terminé en 5e et 6e places.

Alice a également participé aux Jeux d’hiver de l’Arctique cette année. Pour sa première grosse compétition, la skieuse de douze ans s’est placée 5e et 6e.

Toutes trois sont à une étape différente de leur vie. Elles reconnaissent cependant se poser de nombreuses questions sur l’avenir. « J’aimerais continuer le ski, mais je veux aussi travailler. Je vais peut-être arrêter de courser, mais ça ne veut pas nécessairement dire que je vais arrêter le ski », indique Amélie.

Léanne s’accorde en ce sens. « J’aimerais ça devenir pro en ski, mais avec un travail en plus à côté. Le ski, ça ne rapporte pas beaucoup », reconnaît-elle.

Pour Alice Crête-Bergeron, la question se posera plus tard. Elle explique vouloir « continuer jusqu’en douzième année et après peut-être arrêter pour [se] concentrer sur autre chose. »