Cette traversée audacieuse de l’Arctique canadien en utilisant simplement la force humaine n’a jamais encore été tentée. Le périple de 6 500 kilomètres entièrement au nord du 60e parallèle commencera par la partie yukonnaise. Nicolas Roulx et Catherine Chagnon enfourcheront leur vélo pour traverser le Yukon principalement sur des routes de graviers, à travers la chaîne de montagnes Nahanni. Les deux amis continueront dans un canot jusqu’à Baker Lake, près de la baie d’Hudson pour venir à bout des Territoires du Nord-Ouest. Puis, ils s’attaqueront au Nunavut en embarquant sur un voilier pour rejoindre Pangnirtung sur l’île de Baffin. Ils finiront en randonnée pour atteindre la côte est de l’île, Qikiqtarjunq.
« On veut avoir du plaisir, mais on sait que ce genre d’expédition comporte son lot de défis. On va devoir s’adapter, et c’est ça finalement ce qu’on aime : résoudre des problèmes dans de beaux décors, je pense les plus beaux paysages qu’il y a sur terre, le Nord canadien. […] On cherche l’adrénaline, la pureté, la simplicité », détaille Nicolas Roulx.
Allier aventure et science
L’expédition n’a pas seulement comme objectif l’exploit humain de relier un point A à un point B de manière ininterrompue. Elle permettra également d’améliorer les connaissances scientifiques sur les forêts boréales et de mener à bien un projet de recherche sur la douleur chronique. « Ça ajoute beaucoup de sens à l’expédition. En fin de compte, l’expédition, on l’a fait pour nous, pas pour les projets scientifiques, mais ça rajoute de bonnes raisons », confie Nicolas Roulx.
Pendant leur traversée, Nicolas Roulx et Catherine Chagnon prélèveront donc des échantillons sur des épinettes noires pour comprendre comment les changements climatiques influent sur les écosystèmes les plus nordiques. « Mon ami Guillaume [Moreau] est professeur au Département des sciences du bois et de la forêt de l’Université Laval. Son projet, depuis 2018, est de collecter des données pour essayer de voir comment les changements climatiques affectent la croissance de ces arbres qui sont aux premières loges des perturbations », explique Nicolas Roulx.
Le projet clinique exploratoire sur la douleur chronique, quant à lui, associe des gens atteints de douleur chronique à l’expédition afin de savoir si cela pourrait les motiver à reprendre une activité physique. Mené en collaboration avec un laboratoire de recherche en santé de l’Université de Sherbrooke, le projet permettra à une douzaine de personnes du Québec de suivre symboliquement Nicolas Roulx et Catherine Chagnon. « Ils vont faire la même expérience que nous tous les jours, mais en équipe, par différents sports. Ils vont faire une marche, courir, faire du vélo pour accumuler tous les jours la même distance. Ils vont le faire pendant toute la durée de l’expédition. […] Le but est, malgré la douleur qui les affecte au quotidien, de les aider à regagner du contrôle sur leur narratif de vie et leur relation avec leur corps et le mouvement », explique Nicolas Roulx.
Ce projet avait déjà été mené pendant l’expédition AKOR 2021. La patientèle alors impliquée a affirmé avoir développé une perception plus positive d’elle-même et avoir plus de facilité à persévérer dans ce mode de vie où la douleur est quotidienne.
Partager l’expédition
L’expédition donnera naissance à un film documentaire, coréalisé par Ariane Moisan et Laurent Poliquin. Sa mission est de rendre accessible ce type d’expédition. « Je crois qu’il faut orienter le message vers les jeunes. Leur montrer qu’on n’a pas besoin d’être quelqu’un d’extraordinaire pour faire des choses considérées extraordinaires », avoue Nicolas Roulx. « Il y a beaucoup de films d’aventures qui sont très élitistes avec de grands exploits physiques un peu inaccessibles. Le message du film qu’on veut, c’est un peu “on peut se lever le matin, puis décider de faire ou changer quelque chose dans notre vie, une petite chose, mais qui va faire une grande différence pour notre bien-être” », ajoute Ariane Moisan
Réaliser un tel film ne vient pas sans son lot de défis, notamment de raconter l’histoire qui va être vécue puisque personne ne sait à l’avance comment l’expédition va se dérouler. « Le but est de réussir à faire ressortir la beauté humaine dans la persévérance, l’acceptation et la résilience, peu importe ce qui se passe. Il faut être vraiment ouvert à ça, puis accepter ce que la vie va nous proposer », raconte la réalisatrice.
Peu importe donc si l’expédition réussit ou échoue, pour Ariane Moisan, l’élément essentiel pour le succès du documentaire est la communication. « Il y a une grosse partie du travail qui est fait directement par les membres de l’expédition puisque je ne peux pas suivre en personne toute l’aventure. Je suis la réalisatrice dans la conception de la storyline, dans la vision du film et au retour de l’expédition. […] On communique déjà bien et on va continuer tout au long du parcours pour s’assurer de capter l’essence du film. J’ai confiance que les aventuriers vont être capables de raconter leur histoire avec authenticité, franchise et charisme, et qu’on va être capable de recréer une histoire vraiment intéressante. »
Laurent Poliquin sera, quant à lui, davantage sur le terrain. En tant que directeur photo, il sera accompagné de plusieurs vidéastes pour compléter les prises d’images faites directement par Nicolas Roulx et Catherine Chagnon. Au Yukon, c’est le Franco-Yukonnais Martin Richard qui prêtera main-forte à l’équipe de production audiovisuelle. « Le but, c’est de les suivre avec un véhicule pour une meilleure logistique de production. On devra charger les batteries, faire les sauvegardes tous les jours, protéger l’équipement », explique Martin Richard. « Ça nous donne aussi différentes options pour filmer et diversifier les angles. »
L’expédition 2024 sera la troisième expédition d’AKOR, un collectif d’aventuriers et d’aventurières du Québec créé en 2016 pour mener des expéditions scientifiques ambitieuses dans le Nord canadien. En 2018, l’équipage a découvert le Labrador alors qu’en 2021, il a traversé le Canada dans un axe nord-sud, de l’île la plus nordique du pays (Ellesmere) à la frontière américaine, au sud de l’Ontario. Cette traversée a d’ailleurs été documentée dans le film Canada vertical et le livre 234 jours. Pour suivre et soutenir l’expédition 2024, on peut s’inscrire à une infolettre hebdomadaire sur le site Internet expeditionakor.com.