La danse, comme tout art, est un moyen de communication. Dans certains cas, quand elle est accompagnée d’instruments, parfois enflammés, le moyen de s’exprimer change, de même que le message transmis. Les trois francophones s’accordent en ce sens. « Pour moi, l’art de la danse du feu, de bouger avec le feu, c’est un outlet d’expressions non verbales […] À travers ça je suis capable de sortir certains sentiments », indique Marianna Lahaye Picard.
Bien que toutes aient commencé pour des raisons différentes, leur cheminement présente des similitudes.
Audrey Gallibois a découvert cet art par hasard et a été tellement fascinée qu’elle a décidé d’acheter un Dart de corde, une corde de neuf pieds de long avec une tête enflammée au bout. Dès lors, elle visionne de nombreuses vidéos, notamment sur YouTube.
Même scénario pour Marianna Lahaye Picard, qui explique avoir commencé aux côtés d’un petit groupe d’amies, dont Audrey Gallibois fait partie. « On a toutes choisi un accessoire, et on s’est dit “let’s go”, on a jumpé dedans », précise-t-elle. Elle a alors regardé de nombreux tutoriels en ligne.
Pour Joe Lajolie, la découverte de cet art s’est faite différemment. « Je viens d’un monde underground. À seize ans, les punks de rue en 96, ça spinnait, ça crachait [du feu] », explique-t-elle. Elle ajoute avoir toujours baigné dans ce milieu, et avoir pris la décision de pratiquer davantage cette danse alors qu’elle était âgée de 25 ans. Elle n’a depuis jamais arrêté.
Apprendre
Pour Joe Lajolie, l’apprentissage s’est donc fait sur le tas, et ce, dès l’adolescence. « Il y a juste pour cracher que j’ai demandé à Simon [Couillard], en échange d’une toile. C’est quelque chose que tu ne peux pas apprendre seul·e », affirme l’artiste.
Lors de ses entraînements, elle essaie de trouver des endroits dégagés, « sans lumière au plafond que je pourrais briser », explique-t-elle en riant. Ayant étudié au cégep en Arts et lettres avec une majeure en théâtre, la Franco-Yukonnaise se dit avantagée. Pour elle, savoir comment agir sur une scène est un privilège. L’artiste pluridisciplinaire fait également de la peinture corporelle, ce qui l’aide encore plus à comprendre le corps humain.
De leur côté, Marianna Lahaye Picard et Audrey Gallibois s’entraînent chez elles. « J’ai commencé dans mon jardin, maintenant j’ai une pièce avec des miroirs et un mur avec tous mes instruments. Je l’appelle mon flow wall », explique Marianna Lahaye Picard.
« Quand j’ai commencé, je n’avais pas beaucoup de place, affirme pour sa part Audrey Gallibois. C’était un peu dans mon salon ou dans mon couloir. Ça me permettait d’avoir des tirs précis avec le Dart de corde. En été, je me mets dans ma cour maintenant, sinon dans mon sous-sol, c’est comme mon studio. »
Toutes trois s’entraînent lorsque leurs instruments sont éteints. Cela leur permet d’apprendre à maîtriser leurs gestes et leur posture sans se blesser.
Pratiquer
Si les trois francophones ont fait le grand saut dans cet art, il en faut pourtant beaucoup pour se lancer. « L’équipement est cher, et il faut le faire venir au Yukon, commence Joe Lajolie. Puis plus tu en fais, plus tu veux apprendre avec d’autres instruments. »
Au-delà des instruments, les différentes tenues sont aussi à prendre en compte. « Il faut faire attention à ce que tu portes, rapporte Joe Lajolie. Pour l’hiver, je me suis acheté une robe en laine de mérinos, que je mets sous ma tenue. Ça m’aide à me garder au chaud. »
Marianna Lahaye Picard explique porter des vêtements en coton. Pour elle, ce sont des habits « chers, mais durables » qui ne « repoussent pas le feu, mais résistent à la chaleur ». Elle s’assure également d’avoir des bottes avec « une bonne grip », pour ne pas glisser et perdre l’équilibre.
« Le Dart de corde tourne souvent autour de moi, je dois avoir des vêtements serrés. Je m’assure de ne pas avoir de bijoux non plus », affirme Audrey Gallibois.
Marianna Lahaye Picard ajoute que peu de monde pratique cet art, qu’elle qualifie de « niché ». « Mais plus on cherche, plus on trouve […] Il y a une communauté très inclusive. On a des contacts au BC notamment, et on partage des idées. »
Marianna Lahaye Picard et Audrey Gallibois donnent des spectacles majoritairement en été, saison privilégiée pour les festivals. Ensemble, elles contribuent notamment à l’organisation du festival de musique électronique Paradise, où elles donnent souvent des représentations.
Enflammer
Toutes trois se sont intéressées à cet art pour la même raison : la fascination du feu.
« Cet amour du feu, je l’avais. Je me disais “si je sais maîtriser le feu avec amour et respect, je sais me maîtriser, moi” »
affirme Joe Lajolie. Selon elle, en dansant avec le feu, « c’est comme si j’avais trouvé un compagnon ».
Pour Marianna Lahaye Picard, danser avec le feu « ajoute beaucoup au spectacle ». Elle évoque avoir eu des doutes et des craintes à ses débuts. « Aujourd’hui, j’ai hâte. Je prends le temps de bouger avec le feu, je le regarde. Être en symbiose avec le feu, c’est libérateur », affirme-t-elle.
De son côté, Audrey Gallibois évoque une crainte avant d’enflammer ses instruments :
« Le feu, c’est un élément qui capte l’attention, qui est fascinant. Mais il faut le manipuler avec précaution. »
Elle ajoute : « Mais une fois mon Dart de corde allumé, je sens une énergie monter, je suis dans l’instant présent, je me sens connectée avec moi-même et la musique. »
La jeune femme va même plus loin : « Je crois que les gens ont une espèce de connexion avec le feu », affirme-t-elle. Elle conclut en expliquant que, selon elle, tant que les spectateurs et spectatrices seront fasciné·e·s par cet art, cette « connexion » avec le feu sera présente.