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le Jeudi 5 mars 2015 12:13 Actualités

Hommage à la militante disparue Judith Johnny

Nelly Guidici

«Je n’ai pas besoin de sympathie, j’ai besoin de l’égalité des chances! » C’est par ces mots que la militante Judith Johnny s’exprimait. Toujours prête, elle ne ratait jamais une occasion d’exprimer les difficultés auxquelles elle devait faire face tous les jours. Atteinte, entre autres, du syndrome post-polio, Mme Johnny se déplaçait en fauteuil roulant depuis plus de 25 ans. Elle s’est éteinte le 4 février 2015 à Whitehorse à l’âge de 65 ans.

Judith Johnny a passé sa vie à défendre les droits des femmes et des personnes vivant avec un handicap.

Judith Johnny a passé sa vie à défendre les droits des femmes et des personnes vivant avec un handicap.

Originaire de l’île de Vancouver et membre de la Première nation de Gwa’’Sala Nakwaxda’’Xw dans la région de Port Hardy au nord de l’île, Judi, comme nombre de ses amis l’appelaient, s’était installée il y a plus de 30 au Yukon. Féministe, impliquée de toutes parts, elle a consacré sa vie à la défense des plus démunis et des oubliés de la société. C’est en communiquant sur les problèmes du quotidien auxquels elle devait faire face que Mme Johnny est devenue la porte-parole des personnes vivant avec un handicap. Impliquée au sein du conseil d’administration du Réseau d’action des femmes handicapées du Canada en 1992, « elle a défendu toute sa vie les droits des personnes vivant en situation de handicap et plus spécialement les femmes », se rappellent les membres de l’organisme.

Féministe envers et contre tout

En 1991, elle a participé à la création du collectif « Femmes avec des ailes » (Women on Wings Collective) à Whitehorse. L’un des objectifs du projet était de regrouper féminisme et droit des personnes handicapées dans une même structure activiste. Regroupant une douzaine de personnes, l’une des activités proposées était de partager un repas bien souvent au domicile de Mme Johnny. Le but étant de partager différentes façons de cuisiner avec un petit budget, c’était aussi et surtout l’occasion pour ces femmes en situation de handicap de se regrouper. Aujourd’hui, ce collectif n’est plus actif. Mais, Mme Johnny s’était confiée à ce sujet : « Nous avons appris à nous défendre les unes les autres ainsi que nous-mêmes. Un jour, je m’impliquerai à nouveau dans ce projet lorsque la force me reviendra. »

Implication à la banque alimentaire

Mme Johnny a participé au processus de création de la Banque alimentaire de Whitehorse en 2009. Facile d’accès, l’entrée du bâtiment ne comporte pas d’escaliers et présente une porte suffisamment large pour laisser passer un fauteuil roulant. Mme Johnny a offert son temps en tant que bénévole pendant une année. Julie Ménard, directrice à cette époque, se souvient : « Elle était à la réception et accueillait les gens. Elle y croyait et était toujours contente de pouvoir aider. » Mme Ménard estime qu’elle était un modèle pour les gens de sa communauté. Lucide jusqu’à la fin, son sourire et sa façon de rire de la vie restent dans les mémoires.

Une carrière en politique

Membre du Nouveau Parti démocratique, Mme Johnny s’est présentée à l’élection de député pour la circonscription de Porter Creek Centre en 2002. Kate White, députée actuelle pour la circonscription de Takhini-Kopper King, se souvient de son engagement : « Elle était très courageuse. Elle faisait du porte-à-porte et s’il y avait des escaliers, elle discutait avec les gens depuis le bas des marches. Elle n’avait pas peur, elle était toujours prête. » Dévouée et combative, elle a toujours revendiqué les mêmes droits d’accès aux personnes vivant avec un handicap que les autres. Des rampes d’accès pour les magasins, un déneigement des trottoirs de la ville ou un service amélioré du « handy bus » par exemple, sont les résultats de son action. « Elle ne voulait pas être considérée comme une citoyenne de seconde zone », se rappelle Mme White. Finalement, son implication sans limites dans la défense des personnes handicapées, des femmes et des personnes vivant sous le seuil de la pauvreté montre à quel point Mme Johnny était combative. « Elle ne repoussait aucun défi, il n’y avait rien qu’elle ne puisse faire. Elle était et restera un modèle, parce que de nombreux changements sont survenus dans la communauté et elle a posé sa pierre à l’édifice. C’était une personne incroyable et phénoménale », conclut Mme White.