Le père Mouchet a quitté la France après la Seconde Guerre mondiale. D’abord posté à Telegraph Creek, en Colombie-Britannique, il a ensuite été envoyé à Old Crow en 1955 pour tenter de convertir la Première Nation des Gwich’in à une conception occidentale de la religion et de Dieu.
Sur place, il constate que l’Église anglicane essayait déjà de le faire. Mais pour lui, il ne pouvait pas y avoir de spiritualité sans pratique sportive. Il a alors décidé d’initier les jeunes du Nord à la pratique du ski de fond.
Fondateur du programme territorial d’entraînement expérimental au ski (TEST) au début des années 1960, il a formé beaucoup d’athlètes. Plusieurs ont participé à de grandes compétitions nationales et internationales, notamment aux Jeux olympiques de 1972 à Sapporo (Japon) et aux Jeux olympiques de 1976 à Innsbruck (Autriche).
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Un livre qui va au-delà du sport
Le père Mouchet a été reconnu au niveau local, national et international. Il a été intronisé au Yukon Sports Hall of Fame en 1980 et a reçu le Prix du commissaire du Yukon en 1981. En 1987, le gouvernement français l’a nommé Chevalier de l’Ordre national du Mérite. Enfin, en 1993, il a été décoré de l’Ordre du Canada.
Outre toutes ces récompenses, le religieux a surtout incité des membres de Premières Nations à renouer avec leurs corps et a réveillé le lien qui les unit à leurs terres, un aspect qui captivait John Firth.
« Je connaissais très bien Jean-Marie du point de vue sportif, mais peu de celui de la justice sociale et de la réconciliation », précise l’auteur yukonnais. « J’ai toujours pensé qu’il s’agissait d’une histoire intéressante à raconter. La façon dont un prêtre d’une petite communauté du nord du Yukon pouvait émerger sur la scène internationale de la manière qu’il l’a fait, avec l’influence qu’il a eue sur les enfants des Premières Nations qui sont devenus les leaders de leurs nations, ici au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest. »
Un travail de longue haleine
L’idée d’écrire l’histoire du père Mouchet est arrivée dès le début des années 1980 pour John Firth, mais l’auteur a dû attendre près de 30 ans avant de s’atteler à la tâche. « Jean-Marie était encore beaucoup impliqué dans le ski alors. Je lui en parlais régulièrement et fin 2009-début 2010, il a finalement accepté de s’asseoir et de me raconter son histoire. »
De sa jeunesse dans le village de Malbuisson en France à son implication dans la communauté d’Old Crow, en passant par son rôle dans la Résistance, les 287 pages du livre abordent de nombreux pans de la vie de Jean-Marie Mouchet.
« À la fin de sa vie, le père Mouchet s’est vraiment ouvert à John Firth, comme il ne l’avait jamais fait avant. Il y a beaucoup de monde très proche de lui qui a appris des choses avec ce livre », affirme Philippe Mouchet, le neveu du père Mouchet. « Moi, je me suis surtout concentré sur les parties de sa jeunesse et j’ai été très touché par ce qu’il a vécu pendant la guerre : les rafles de la Gestapo, son séminaire, toute cette époque-là », continue-t-il.
Pour Marcelle Fressineau, une connaissance du père Mouchet, c’est une lecture incontournable. « Le livre est passionnant, très bien écrit et très bien documenté. On sent que John Firth a fait beaucoup de recherches », détaille-t-elle. L’auteur confirme : près de quatorze ans d’entretiens pour récolter l’information et vérifier les faits. « Au printemps 2023, j’ai finalement décidé d’arrêter de chercher plus d’information. Je devais m’asseoir et écrire le livre. Le premier jet ne m’a pas pris beaucoup de temps. C’est l’édition ensuite qui a été longue. »
Pendant tout le travail de relecture, John Firth a impliqué plusieurs personnes qu’il avait interrogées lors de ses recherches. « Elles m’ont fait des commentaires, des réflexions et des suggestions qui m’ont donné à réfléchir. […] Antoine Mountain [un Dene des Territoires du Nord-Ouest qui a été un athlète du père Mouchet], par exemple, m’a dit que certaines parties du livre lui semblaient représenter l’homme blanc aidant les sauvages, et qu’il ne pensait pas que c’était une représentation exacte. J’ai donc relu les mots que j’avais écrits en pensant à ce qu’il m’avait dit. Et je me suis dit qu’il avait raison. J’ai donc apporté les changements qui me semblaient mieux représenter ce qu’il m’avait suggéré », se souvient l’auteur yukonnais.
Sorti en juin 2024 et publié de manière indépendante, North Star: The Legacy of Jean-Marie Mouchet est disponible à la bibliothèque publique de Whitehorse et est en vente localement ou en ligne.
Aucune version française n’est prévue pour le moment. « J’avais fait une demande il y a quelque temps pour un autre de mes livres, c’était près de 35 000 $ pour la traduction… Je n’ai juste pas les ressources financières pour le faire, mais je suis ouvert à des propositions », conclut John Firth.