Originaire du Québec, Sandra St-Laurent a déposé ses valises au Yukon il y a plus de 25 ans. « Si on considère que les parents sont les premiers éducateurs, alors je peux dire que je baigne dans les arts depuis l’enfance », raconte l’artiste franco-yukonnaise.
« Ma mère était très douée en dessin et textile. [Et] mon papa, c’était un petit prodige en musique. »
Introduite à plusieurs formes d’art mais surtout à l’expression artistique très tôt dans sa vie, Sandra St-Laurent commence son parcours par la danse. « J’ai fait comme tout le monde : j’ai pris plein de cours, fait partie de troupes, monté des spectacles amateurs […] Au Yukon, j’ai eu la chance de danser pour le Longest Night Society, puis pour un film d’art avec Brian Fiddler. »
Sandra St-Laurent a également exploré les arts visuels. Adolescente, elle prend des cours de photographie et de mix médias puis crée même un club photo dans son école secondaire.
Elle continue à repousser les limites artistiques, en pratiquant notamment la mosaïque, la laine feutrée, l’argile, l’art postal et le land art. Sandra St-Laurent se distingue également par ses œuvres littéraires dans plusieurs concours artistiques.
De l’inspiration dans la plume
En art littéraire, Sandra St-Laurent préfère les formes courtes comme la nouvelle, le haïku, le haïbun et le haïga.
« J’aime les haïkus […] car ils suivent le rythme d’un souffle et ne s’encombrent pas de superflus. J’aime l’extraordinaire dans l’ordinaire. On doit prendre plus de temps pour célébrer de toutes petites choses. Je pense que le bonheur est dans les petites choses. »
Sandra St-Laurent confie trouver de l’inspiration dans ces « petites choses ». « Tout est propice à inspiration pourvu qu’on s’y approche, qu’on s’y attarde. Je suis une archéologue des petits mots, que je polis longtemps afin que mes trois lignes vous offrent un ‘‘Ah!’’ ou un ‘‘Hum…’’. Le Yukon, c’est une partie de moi, de mon quotidien et ça me fait plaisir de le partager à travers mes histoires, ma poésie. C’est une partie de mon identité et de mon inspiration. Quand on plonge dans le monde des haïkus, c’est un monde qui s’arrête aux changements de la nature et ici, on est privilégiés pour le faire. »
Sandra St-Laurent pratique également le senryû, une forme de poésie japonaise représentant la nature humaine. Sa citation lorsqu’elle a reçu le prix de l’engagement exceptionnel en est un bel exemple : « J’ai toujours dit que ce sont les paysages naturels qui nous attirent au Yukon, mais que ce sont les paysages humains qui nous font y rester. »
Partager l’art en s’amusant
Sandra St-Laurent a commencé à organiser des activités pour les jeunes en animant des ateliers de mosaïque et de laine feutrée à Whitehorse, il y a à peu près 16 ou 17 ans. Puis elle a animé un club de lecture francophone pour adultes pendant 9 ans.
Comme « comme cadeau de fête » pour sa fille, qui avait 7 ans à l’époque, Mme St-Laurent a aussi lancé le club de lecture Les p’tits yeux pointus, en 2015. Cette initiative a eu de belles retombées : « On a gagné le prix du défi de lecture de l’année à plusieurs reprises, ce qui nous a permis de nous classer dans les tops du pays et de rapporter au-dessus de 1500 $ de livres au fil des années, qui ont été donnés à la collection francophone de la bibliothèque publique de Whitehorse. Quand même pas pire, pour un petit club bénévole! J’ai aussi gagné le Prix Hélène Carbonneau en médiation culturelle en 2017, pour la qualité de nos animations. On a fait des trucs déments : visites VIP de la biblio, lecture de Les étoiles de Jacques Goldstyn en plein air à –25°, puis Mammouth Rock d’Éveline Payette sous un squelette de mammouth. La vie est trop courte pour être plate! On s’amuse! »
Le club de lecture Les p’tits yeux pointus est le seul à Whitehorse à être indépendant, c’est-à-dire qu’il est entièrement constitué de bénévoles et qu’il offre une place à des membres de la communauté, et non d’une école ou d’une bibliothèque.
Tout en créativité, à fond pour la communauté
Se décrivant comme une « pieuvre » bien occupée, Sandra St-Laurent a toujours des projets en cours : « Je termine la coédition avec la poète yukonnaise KJ Munro de l’anthologie des membres de Haiku Canada, une première et un honneur de travailler à ce projet national, qui sortira en mars prochain. Puis j’anime présentement des ateliers d’haïkus pour les ainé·e·s francophones du Yukon dans l’optique d’un recueil illustré par des jeunes qui sortira ce printemps aussi. Je viens aussi d’envoyer un livre en impression. Il s’agit d’une anthologie de graphisme que j’ai montée pour Solstice Haiku [KJ Munro en est l’éditrice]. »
Pour Sandra St-Laurent, on ne peut jamais assez faire pour la communauté : « Je ne suis qu’une voix, qu’une image de la belle et diverse Franco-Yukonnie. L’idée est de démontrer cette belle diversité, de s’éloigner des clichés. On fait partie d’une belle mosaïque. La francophonie est au cœur de mon identité et j’ai à cœur de la faire rayonner. »
Son message pour la communauté de jeunes artistes au Yukon : « La vie est courte : écris des haïkus! C’est mon mantra sur ma page Facebook et c’est drôle mais c’est vrai. N’attendez pas d’avoir le roman de 600 pages dans votre tête avant de commencer à écrire. Que tu tricotes des mailles ou des mots, lance-toi dans ce petit (ou grand) projet qui sommeille en toi. Trouve ta famille artistique, et cultive la gratitude. Parce qu’il y a des belles histoires de création au Yukon, et pourquoi pas la tienne? »