Quand arrive la fin du mois de mai, pour une période de deux à quatre semaines, c’est la saison des morilles dans le territoire. Les variétés yukonnaises sont la morille commune, blonde, délicieuse, de Smith, brune et noire.
La cueillette se déroule principalement dans les zones de feux de forêt récentes, et cette année promet d’attirer les foules suite aux incendies de 2022 dans des zones faciles d’accès, notamment autour de l’autoroute Klondike. « Il faut s’entourer d’une bonne équipe et être prêts à affronter les moustiques et à respirer de la cendre », prévient l’amatrice de champignons Constance Barra. En cas de cueillette sur les terres des Premières Nations, une autorisation du gouvernement de la Première Nation concernée est requise.
Les cartes des feux de forêt de 2022 sont disponibles en ligne sur yukon.ca/fr/situations-durgence-et-securite/feux-de-foret/voir-les-cartes-des-feux-de-foret-au-yukon ou dans un bureau des inspections et du suivi de la conformité du territoire. « Les bons spots sont pris d’assaut, donc il faut marcher beaucoup plus loin. Il y a toujours beaucoup de morilles et de possibilités si la zone brûlée est accessible, sinon il faut se déplacer en canot ou en avion, donc c’est plus difficile », explique la cueilleuse Marcelle Fressineau.
Cueillir pour sa consommation personnelle
Il n’est pas nécessaire d’obtenir une autorisation de cueillir des morilles pour une consommation personnelle sur les terres publiques vacantes du territoire. « Il suffit de prendre un couteau, un seau et le matériel essentiel pour passer du temps en pleine nature », explique Constance Barra. Un GPS peut être utile pour retrouver son véhicule, son campement et éviter de tourner en rond. « J’utilise le GPS pour marquer les patchs de morilles car elles repoussent et peuvent être de nouveau cueillies après une dizaine de jours », ajoute-t-elle. « Il ne faut surtout pas oublier son répulsif anti-ours. En pleine cueillette, je me suis retrouvée nez à nez avec un ours et j’ai dû négocier avec lui! » ajoute Marcelle Fressineau. Bien entendu, pour plusieurs heures dans des régions de forêts brûlées, il est également indispensable d’apporter de l’eau en quantité suffisante.
Les morilles poussent sur sol humide non accidenté, sur les pentes drainées orientées vers le sud et aiment se concentrer au pied des épinettes.

Il est conseillé de cueillir les champignons ayant au moins la taille d’une main.
Il suffit de respecter certaines règles pour une cueillette respectueuse comme « couper la morille à la base, proche de la racine, sans toucher le mycélium. Il faut que le champignon soit beau, jeune, robuste, humide et de taille conséquente car il perdra jusqu’à dix fois sa taille en séchant », explique Constance Barra. « C’est bien de donner un petit coup avec le doigt au champignon avant de le cueillir pour disséminer les spores », ajoute Jules Bussey, passionné·e par la cueillette.
Si on campe sur place, il ne faut laisser aucune trace.
Cueillir des morilles à des fins commerciales
Afin de pouvoir vendre légalement des morilles, il faut demander un permis gratuit d’exploitation de ressources forestières au bureau des inspections et du suivi de la conformité. La plupart des cueilleuses et cueilleurs professionnels partent en petit groupe pour davantage de sécurité. « C’est beaucoup de travail, ce n’est pas compliqué mais il faut beaucoup marcher dans les forêts brûlées, dans la cendre, il y a beaucoup de poussière, on revient complètement noir. Pour faire de l’argent, il faut travailler toute la journée », explique Marcelle Fressineau. Il faut aussi penser à investir dans du matériel essentiel à la survie et la conservation du champignon. « Ne pas oublier le savon, pour nettoyer les cendres de la peau noircie. C’est bien de poser son campement près d’un point d’eau », ajoute-t-elle.
« S’il y a beaucoup de monde, il y a des acheteurs sur place, mais le prix baisse. Les acheteurs les achètent fraîches, de bonne taille, coupées nettes et sans terre » partage Marcelle Fressineau. « Certains achètent les morilles abîmées à moitié prix. »
L’autre solution est de sécher le champignon pour le revendre au moment où le marché est le plus intéressant, mais le processus de séchage et de conservation peut être coûteux et demande du temps, de l’application et de l’énergie. « J’ai un séchoir au soleil, des bâches en cas de pluie et un déshydrateur, c’est beaucoup plus de travail », précise Marcelle Fressineau. « J’utilise des grilles et un grand ventilateur branché sur générateur, posé dans un petit abri temporaire bâché pour protéger les champignons des mouches et des vers. J’ai déjà perdu toute une récolte à cause des vers. Il faut les tourner régulièrement et les surveiller », s’attriste Constance Barra.
Consommer les morilles
Quelques règles de bases s’appliquent lors de la consommation de la morille, qui contient de l’hydrazine, toxique pour l’être humain, qui disparaît à la cuisson. Il est ainsi déconseillé de consommer de l’alcool 72 heures après avoir mangé des morilles. Lorsqu’elles sont fraîches, les morilles sont hautement toxiques et doivent être cuites pendant au moins 20 minutes afin de pouvoir être consommées « à au moins 60°C », indique Marcelle Fressineau. Sèches, elles doivent être cuites au moins cinq minutes. Il est préférable de les manger en petite quantité.
En cas de doute sur l’identité du champignon, il ne faut pas hésiter à faire appel à des connaisseurs ou connaisseuses, ou à ne pas le consommer. En effet, la fausse morille est hautement toxique, même cuite. Les morilles ont un chapeau alvéolé caractéristique avec les côtés entièrement rattachés au pied du champignon. Les chapeaux des fausses morilles n’ont pas les stries et les creux des vraies morilles. Une fois le doute écarté, les recettes sont multiples pour déguster ce champignon si apprécié des gourmets. « Je réhydrate toujours mes morilles en les trempant dans l’eau quelques minutes. Je les coupe en deux pour vérifier qu’elles ne sont pas contaminées par des insectes. Une façon simple de les cuisiner est dans un risotto ou dans une sauce crémeuse », partage la cuisinière Marion Viger.

Les morilles aimant les chocs thermiques, elles se cueillent principalement dans les zones de feux de forêt récents.