le Mardi 30 mai 2023
le Jeudi 4 mai 2023 7:55 | mis à jour le 9 mai 2023 9:35 Sciences et environnement

Trente ans à étudier… les écureuils

Maman aux aguets. Les écureuils roux peuvent avoir une multitude de nids et de cache de nourriture sur leur territoire. — Photo : Bruna Silva
Maman aux aguets. Les écureuils roux peuvent avoir une multitude de nids et de cache de nourriture sur leur territoire.
Photo : Bruna Silva
Nous les voyons, nous les entendons, nos chiens les poursuivent, mais les écureuils roux qui peuplent nos multiples épinettes suscitent peu notre intérêt. Cependant, pour un groupe de chercheurs et chercheuses installé dans des cabanes rustiques à trente kilomètres de Haines Junction, ces petits animaux sont au cœur d’une étude qui dure depuis plus de trente ans.

Fondé par le Dr Stan Boutin de l’Université de l’Alberta en 1987, le Kluane Red Squirrel Project avait comme objectif, à ses débuts, d’étudier les mœurs d’alimentation des écureuils roux et le lien avec le cycle de production des cônes de l’épinette blanche. Bien que ce sujet demeure le thème principal de l’étude sur le terrain, le projet a pris de l’ampleur au cours des ans avec l’implication de trois autres universités : l’Université de la Saskatchewan, l’Université du Colorado et l’Université du Michigan.

Étude ininterrompue depuis son origine et couvrant les mêmes quatre grilles d’études d’environ cent vingt acres chacune, le Kluane Red Squirrel Project a produit plusieurs résultats fascinants. En effet, les scientifiques impliqués se vantent d’avoir créé la plus grande banque de données généalogique de mammifères sur la planète.

Un portée d’écureuils roux comprend de un à huit bébés.

Photo : Kaitlyn Courchesne

La famille en premier

« On peut retracer à quatorze générations d’ancêtres la provenance d’un écureuil né sur le territoire d’étude », indique fièrement Bruna Silva, détentrice d’une maîtrise en biologie de l’Université du Massachusetts et maintenant associée à l’Université du Colorado. Elle explique qu’étant donné l’attachement des écureuils roux à leur territoire, cela permet l’identification d’animaux particuliers et l’occasion de les suivre de la naissance au décès. « On attrape les écureuils et on leur met des petites boucles d’oreille de différentes couleurs pour identifier leur lignée familiale. Nous pouvons donc les étudier et noter les comportements d’individus spécifiques. » Chaque printemps, les techniciens et techniciennes recensent la population et identifient les nouveau-nés.

Certains écureuils sont aussi équipés de colliers de localisation qui permettent la collecte d’autres données physiologiques. En souriant, Bruna Silva ajoute que les chercheurs et chercheuses apprennent à connaître intimement « leurs » bestioles, les différents groupes familiaux et les comportements. « On peut aussi comprendre les différents sons et la communication entre les différents écureuils. Notre vie ici, c’est les écureuils du matin au soir. »

L’aventure en plus

Kaitlyn Courchesne s’est impliquée dans le projet en 2020 comme technicienne sur le terrain, et est maintenant étudiante de maîtrise à l’Université de l’Alberta sous la supervision du fondateur du projet. « Étant donné l’ampleur des données recueillies, dit-elle, il y a une multitude d’occasions de recherche pour les étudiants aux études supérieures. »

Écureuil nouveau-né. Il n’ouvrira ses yeux qu’à quatre semaines.

Photo : Kaitlyn Courchesne

Elle renchérit en disant que de vivre dans le bois, sans eau courante et avec seulement quelques panneaux solaires, pour assurer un minimum d’électricité, est parfois difficile, mais permet une expérience qui dépasse la simple étude scientifique. « On apprend à cuisiner, fendre le bois, allumer le poêle, maintenir les véhicules et à se débrouiller. On quitte le camp avec tellement de compétences ! J’ai acquis plus d’expériences dans mes trois étés ici que dans toutes mes années de scolarité. C’est extrêmement gratifiant de vivre dans un campement complètement autonome et de comprendre que le succès de notre groupe et du projet est proportionnel à notre effort. »

Les curieux et curieuses qui souhaitent en savoir plus sur cette étude peuvent consulter le site redsquirrel.ca, ou tenter de trouver le camp, à une centaine de mètres au nord de la borne 1618 sur la route de l’Alaska. Un groupe enthousiaste et plein de connaissances les y attend.