le Samedi 1 avril 2023
le Jeudi 9 février 2023 7:40 | mis à jour le 14 février 2023 13:20 Chroniques

Missive : Pas de reproches sans d’abord se faire proche

  Photo : Claude Gosselin
Photo : Claude Gosselin

Nous nous sommes tous fait un jour ou l’autre cette réflexion : « Si j’avais choisi d’abord de parler seul à seul à telle personne, je n’en serais pas rendu là à essayer de régler ce conflit qui prend des proportions démesurées ».

Alors que février nous sort lentement de nos hibernations, qui souvent tournent en ruminations de nos malaises ou mal-être, une intuition évangélique nous propose cette résolution de conflits dans nos cabin fever relationnelles : « Si ton frère a commis un péché contre toi, va lui faire des reproches, seul à seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère » (M t 18:15). Il ne s’agit pas de gagner sur ton frère ou ta sœur, mais de gagner cette personne, de la rapatrier dans une relation saine de confiance et d’harmonie, au-delà de ce qu’elle aurait pu faire pour te blesser.

Reprocher ne signifie pas d’abord condamner ni juger, mais davantage « mettre sous les yeux », faire la lumière sur une situation qui brouille notre « proximité ». Se rapprocher, c’est se faire proche d’une personne non pour lui dire « tu n’as pas d’allure! », mais bien plutôt s’inquiéter d’elle : « Comment vas-tu ces temps-ci? Comment s’est passé ton hiver? Je ne te reconnais pas vraiment dans tel ou tel comportement qui me heurte, me dérange, me blesse ».

Nous devons bien l’admettre, notre société est aux antipodes de cette approche. Plus facile d’alerter la planète virtuelle sur les réseaux sociaux que de parler seul à seul à cette personne avec qui je vis des difficultés de relations humaines, réelles et concrètes. Plus facile de m’isoler ou de construire un mur entre moi et mon voisin que de se partager nos points de vue et nos perceptions de la réalité pour sauvegarder un vivre ensemble. Plus facile d’expulser de mon entourage une personne incommodante que d’essayer de voir avec elle ce qui ne va pas et mieux nous comprendre mutuellement.

La pédagogie de Jésus nous invite surtout à reconnaître que le vivre ensemble est nécessaire puisque nous sommes des êtres de relation. Le monde ne tourne pas autour de chacun de nous comme si nous étions le centre de l’univers. « L’uni-vers » ne subsiste vraiment que si nous acceptons de nous ajuster les uns aux autres pour tendre vers cette unité, à la manière des planètes qui se soutiennent dans une réelle harmonie par pur respect d’un magnétisme, d’une saine distance d’attraction les unes envers les autres.

M e faire proche de mon prochain, c’est d’abord me mettre à l’écoute de ce que je vis personnellement et de ce que je ressens face à une situation commune pour mieux, par la suite, m’approcher de lui, l’écouter et le comprendre. N’est-ce pas là le défi constant d’aimer son prochain comme soi-même? S’aimer soi-même ne légitime pas le droit de juger et de condamner notre prochain, mais nous invite plutôt à nous écouter mutuellement, nous comprendre et nous respecter dans nos besoins réciproques, nos blessures, nos peurs, nos histoires de vie respectives et nos aspirations. En un mot, il s’agit de faire à notre prochain ce que nous souhaiterions qu’il fasse pour nous. Une rencontre seul à seul qui se complique obligera peut-être à nous ouvrir à une médiation avec deux ou trois autres personnes pour en arriver à une résolution respectueuse. Le reproche ne deviendra jamais condamnation gratuite, puisque l’autre ne cessera jamais de faire partie de notre univers, peu importe la distance qui pourra résulter de la résolution du conflit.

En cette belle période de Rendezvous, au lieu de nous faire des reproches sur nos « tablettes virtuelles », comme on a pu le faire peut-être dans nos longues hibernations, rapprochons-nous en pleine lumière sur nos seuils de « portes réelles »!