Trois exploitations seulement fabriquent du miel en quantité commerciale au territoire, mais plusieurs artisans et artisanes pratiquent aussi l’art de l’élevage des abeilles à plus petite échelle. On compte en fait un total de 200 ruches au Yukon. Chaque année, 4 000 livres de miel sont récoltées dans notre climat subarctique, et chaque livre de miel est vendue entre 12 $ et 19 $. « C’est le véritable or du Yukon », selon l’apiculteur Doug Phillips.
Un or laborieusement gagné, cependant, car un défi n’attend pas l’autre dans cette pratique.
Le froid, les prédateurs et les autres
Pour commencer, l’hiver est rude pour les abeilles au Yukon. « Elles doivent survivre entre 200 et 250 jours d’hiver », explique le président du Club des apiculteurs du Yukon Étienne Tardif. Naturellement, les abeilles maintiennent une température corporelle de 20 °C grâce à la vibration de leurs ailes. Elles vivent normalement 40 jours en été et 180 jours en hiver.
Sans surprise, les changements climatiques préoccupent aussi énormément les membres du Club, la fluctuation climatique étant l’obstacle principal à la survie hivernale. Pour optimiser la survivance, plusieurs actions sont nécessaires : il faut isoler et ventiler les ruches correctement, être attentif à la nutrition des abeilles et employer des traitements antiparasitaires appropriés.
Étienne Tardif fait des recherches sur la santé des abeilles et la saison de fleuraison au Yukon. Grâce à des expérimentations, il est parvenu à maintenir un taux de survie de ses abeilles allant jusqu’à 90 % en hiver. Il utilise entre autres deux couches de polystyrène, une ouverture de 2 cm de diamètre et un abri pour protéger ses ruches des intempéries.
Le froid n’est pas le seul ennemi des abeilles : en été, des clôtures électriques sont aussi employées pour éloigner les prédateurs. De plus, pour réduire la compétition avec les pollinisateurs endémiques – bourdons, abeilles yukonnaises, papillons et guêpes – il est conseillé de limiter son exploitation à quatre ruches. En effet, les abeilles utilisées en apiculture sont différentes des abeilles endémiques et peuvent propager des maladies. « Il faut protéger les insectes natifs. Le risque d’importer des abeilles malades et contagieuses est réel », explique Étienne Tardif.
Pour aider les pollinisateurs, les producteurs de miel peuvent également planter des fleurs sauvages pour palier la courte saison de fleuraison. Trouver le matériel adéquat à l’hivernage est aussi compliqué : « La plupart de l’équipement provient de fournisseurs éloignés », se désole l’apiculteur Eoin Sheridan.
Éducation et solidarité
Pour démocratiser l’art de l’élevage des abeilles, le Club des apiculteurs a développé un programme communautaire et une trousse pédagogique. « Nous donnons des cours sur les abeilles dans les écoles et aimons habiller les enfants avec des combinaisons reçues en don pour les rapprocher de la réalité du métier », partage l’apiculteur Birnie Foster. Doug Phillips participe à ces ateliers depuis trois ans. « Nous leur apportons des cadres, leur faisons goûter le miel et leur expliquons l’importance des abeilles pour la planète », raconte-t-il.
L’apiculture yukonnaise est sans aucun doute un milieu solidaire. Pour soutenir les personnes débutantes, une formation est proposée chaque printemps au coût de 200 $ : les fonds servent à couvrir les frais d’enseignement et financer la recherche sur l’apiculture du territoire. Des ressources, comme une trousse d’extraction, sont aussi disponibles gratuitement à l’emprunt. De son côté, la boutique yukonnaise Behind the Barn propose du matériel pour débuter en apiculture ainsi que de bons conseils. « Je visite les débutants pour contrôler les abeilles et offrir des recommandations », ajoute Doug Phillips.
Quelques fermes yukonnaises travaillent par ailleurs en partenariat avec des apiculteurs et apicultrices, grâce à un programme de parrainage qui permet de soutenir l’apiculture durable en échange de miel local artisanal : « Nous empruntons neuf ruches annuellement pour polliniser nos 8 000 buissons de camérisiers », explique l’agricultrice Barbara Drury.
Enfin, pour celles et ceux qui souhaitent s’initier à l’apiculture sans se lancer trop rapidement en affaires, des livres sur le sujet ont été ajoutés dans les bibliothèques publiques du territoire et sont disponibles pour consultation, gratuitement.