le Dimanche 26 mars 2023
le Jeudi 10 mars 2022 5:59 | mis à jour le 7 mars 2023 17:06 Sports et loisirs

La course à pied pour se redonner confiance? Natalie Thivierge et ses Ironwomen

Depuis septembre 2021, Natalie Thivierge entraîne treize filles tous les mardis soir. — Photo : Cathie Archbould
Depuis septembre 2021, Natalie Thivierge entraîne treize filles tous les mardis soir.
Photo : Cathie Archbould
Depuis septembre 2021, Natalie Thivierge retrouve tous les mardis une quinzaine de filles âgées de 10 à 14 ans pour une séance de course à pied et des échanges sur ce qu’est une hygiène de vie saine. Le but : les aider à améliorer leur santé mentale tout en étant actives.

Natalie Thivierge n’a pas toujours été sportive. Pourtant, à 43 ans, elle vient de relever son défi personnel. Le 19 février 2022, accompagnée presque tout au long par une trentaine d’ami·e·s venus la rejoindre le temps d’un kilomètre, de dix ou même de 60, elle a couru 160 kilomètres sur des sentiers yukonnais. Quelques jours après l’exploit, elle a encore de la difficulté à réaliser qu’elle en a été capable.

Il faut dire que la mère de famille n’a pas réellement eu de belles expériences sportives dans sa jeunesse. Elle se souvient : « J’ai essayé de faire du sport, mais je n’avais pas l’attention pour. En 6e année, j’ai tenté la course à pied, mais on ne savait pas comment nous entraîner. J’ai pratiqué quelques fois avant de compétitionner. Là, j’ai couru le plus fort que je pouvais et le plus longtemps possible… J’ai tenu une minute. »

Une seule personne suffit

Dans la vingtaine, un ami la persuade cependant qu’elle est capable de courir vingt minutes. Natalie Thivierge lui rit au nez en lui affirmant que non. « Il courrait si lentement qu’on marchait presque, mais je l’ai fait et that was it! », se souvient-elle.

Réconciliée avec ce sport, elle s’entraîne ensuite jusqu’à pouvoir courir de longues distances. Elle se remémore : « J’ai pleuré à l’arrivée de mon premier marathon, de douleurs… et de joie. Je ne croyais pas en moi. Je n’aurais jamais pensé en être capable. Une seule personne a cru en moi et ça a suffi à changer le reste de ma vie! » Pour Natalie Thivierge, la course à pied est une sorte de méditation qui lui permet de calmer le bourdonnement constant dans sa tête.

Une enquête pancanadienne alarmante

En mars 2019, elle prend connaissance du rapport sur le Comportement de santé chez les enfants d’âge scolaire, rédigé par le Groupe d’évaluation des programmes sociaux (SPEG) de la Faculté d’éducation de l’Université Queen’s pour le compte du gouvernement du Yukon. Réalisée tous les quatre ans, cette recherche pancanadienne vise à mieux comprendre la santé des jeunes de 11 à 15 ans dans leur contexte social et environnement.

Les résultats que l’on peut lire en conclusion du rapport sont éloquents : les filles des zones rurales signalent des problèmes liés à leur santé physique et mentale, et déclarent ne pas avoir confiance en elles. Elles sont les moins actives, elles manquent de sommeil et sont sujettes à un taux de tabagisme particulièrement élevé.

Être cette personne pour les autres

Profitant de son réseau professionnel (Natalie Thivierge travaille pour la Commission de la santé et de la sécurité au travail du Yukon où elle dirige des programmes sur la sécurité au travail et la santé mentale), elle met en place un programme pilote de course à pied pour les filles de la 5e à la 7e année dans le but de leur redonner confiance en elles.

« Si j’avais eu ce genre de personnes dans ma jeunesse, j’aurais peut-être fait des choix de vie différents. Je demande souvent aux filles c’est quoi leur 100 mille à elles. Marcher cinq minutes par jour? Avoir une conversation difficile avec un être proche? Juste pour qu’elles ralentissent et se concentrent sur ce qui est essentiel pour leur bien-être », raconte Nathalie Thivierge.

Izabella Bilodeau, élève en 6e année à l’École élémentaire de Whitehorse, confirme que l’objectif des séances est de s’amuser, tout en ayant une vie active : « J’aime les jeux que l’on fait et le moment où on mange des collations. »

Ce moment-là, c’est l’occasion d’échanger sur des stratégies visant à améliorer la santé mentale, comme dormir ou manger suffisamment, réduire le temps passé devant les écrans et utiliser un discours personnel positif. « Cela m’aide beaucoup au quotidien. Parfois je suis paresseuse, mais je me rappelle que c’est OK », confie Izabella Bilodeau.

Un développement au territoire

Ce programme pilote commence avoir un effet boule de neige au territoire : plusieurs communautés yukonnaises aimeraient aussi en démarrer un. Natalie Thivierge développe donc des plans de formation sur la course à pied et sur des questions de réflexion pour améliorer la santé mentale des jeunes. Elle les partagera avec les entraîneur·e·s qui le souhaitent. Mayo, Beaver Creek, Mont Lorne et Haines Junction pourraient être les premières communautés du Yukon à mettre en place un groupe d’Ironwomen.

Selon Natalie Thiverge, les Ironwomen ne sont pas vraiment intéressées par la compétition; elles sont davantage à la recherche d’un endroit sûr où personne ne les jugera et où elles ne seront pas en compétition. Il se peut cependant qu’elles décident de monter une équipe pour la prochaine édition de la course Klondike Road Relay, prévue en septembre 2022. Affaire à suivre!