Quand j’étais petite, je voulais être chercheuse. Mon père me disait alors, sur un ton blagueur, que c’était inutile, car que nous n’avions pas besoin de gens qui cherchent, mais plutôt de gens qui trouvent.
Le monde a tant changé…
Aujourd’hui, ne sommes-nous pas dans une époque où tout se trouve? Les biens, les réponses, les services…
Pour une pièce informatique, une envie de visionner Matrix 4 ou un rush de devoir d’anglais : Internet aura la réponse!
Honnêtement, à part de la main-d’œuvre bilingue qualifiée et un logement abordable, je dirais que pas mal de choses se trouvent facilement, de nos jours. Même au Yukon.
Pourtant nous vivons sur un territoire où, traditionnellement, les biens manufacturés étaient denrée rare. Un endroit où on lance des haches et des bûches de bois pour se divertir (comme c’est les cas lors du festival du Rendezvous, depuis 58 ans), c’est quand même un bon indicateur de la capacité qu’a une population à « faire avec les moyens du bord ».
Cette nécessité de se débrouiller et de chercher des idées créatives pour obtenir un certain confort semble peu à peu disparaître au profit d’Amazon ou du Dollarama. Et bien entendu, tout ce que nous achetons en ligne ou dans des magasins de bébelles, ça vient de loin dans le but d’assouvir notre soif de consommation. Ça nécessite du transport.
On peut bien les remercier, ces camionneurs (et camionneuses, d’ailleurs!), lorsqu’ils nous apportent « tous les excès d’[notre] époque, la surabondance surgelée, shootée et suremballée ». « L’Amérique pleure », disent les Cowboys Fringants. Elle n’est pas la seule, je pense…
Tout se trouve et tout se transporte. Même les opinions!
C’est certain qu’empêcher les boîtes en carton au large sourire d’arriver sur le pas de nos portes, ça attire l’attention. Et quand les feux des projecteurs sont allumés, il est aisé pour ceux qui parlent fort de se faire entendre.
Alors, dans un monde qui nous fait toutes et tous regarder à travers la même lunette, peut-on vraiment se fier à ce qu’on « trouve » comme information? Quels sont les médias – qu’ils soient professionnels ou sociaux – qui dans notre société permettent encore de regarder autour de soi et de se faire une opinion valide?
Lors de manifestations, les discours haineux sont malheureusement ceux qui marquent les esprits. Les images de conflits et de violence sont celles qui feront gagner des « clics ».
Parmi les personnes qui manifestent, il y a aussi des enseignant.e.s, des infirmières, des employé.e.s en travail social et des éducatrices en petite enfance… On trouve des personnes pacifistes qui souhaitent mettre fin à une obligation faite sur le corps d’autrui. C’est correct que des gens aient une opinion divergente de la majorité. Ça ne fait pas de ces personnes des extrémistes pour autant!
C’est certain, une infirmière qui se recycle en boulangère ou une enseignante bilingue qui se reconvertit comme comptable, ça crée moins de réactions que des images de violence, sur les médias sociaux. Mais tourner les caméras (et nos yeux) vers les personnes au discours brutal et haineux dans des manifs, ça se rapproche des articles qui relatent uniquement des taux de violence dans les communautés autochtones. Il me semble que l’information professionnelle va désormais au-delà, non?
Est-ce vraiment ce que nous retenons de ce qui se passe en ce moment? Sous prétexte que certaines personnes mal intentionnées profitent du fait que les feux des projecteurs soient allumés, c’est l’ensemble d’une cause qui est marginalisée.
« Faites vos recherches », dit-on à nos jeunes. Mais que faire quand tout et n’importe quoi peut désormais être « prouvé » et trouvé en ligne? Je me souviens de cette fois où j’ai pu démontrer, photo et site Web à l’appui, l’existence des dahus. Un ami incrédule voulait des preuves : Internet les a fournies. Cet animal légendaire et source de bien des canulars était répertorié, photographié et documenté par des sites dont l’apparence était des plus crédibles.
La remise en question de ce qu’on nous fournit comme information est un processus sain. Développer la pensée critique, peu importe ce que l’on cherche, c’est désormais enseigné à l’école.
Alors moi, je ne suis pas d’accord avec mon papa. Trouver c’est bien, mais comme dans toute aventure, l’intérêt, c’est souvent le voyage, plus que la destination. Ce dont nous avons besoin, désormais, c’est de réapprendre à chercher. Réapprenons, en tant que société, à nous tourner vers ce qui se passe ici et maintenant et à chercher notre information à sa source. Reconnectons avec de vraies personnes, comme nos voisin.e.s et nos proches.
Chercher à comprendre ce qui se passe ici, dans notre « cour », c’est selon moi plus sain que de simplement croire tout ce qu’on trouve.