le Vendredi 24 mars 2023
le Jeudi 27 janvier 2022 6:02 | mis à jour le 28 novembre 2022 14:14 Société

Écoanxiété : un vecteur de l’engagement

L’art thérapie consiste à utiliser le processus créatif pour exprimer et mieux comprendre nos expériences. À ACSM-Yukon, l’ensemble des conseillers et conseillères généralistes peuvent aider la clientèle à gérer l’anxiété. Photo : fournie.
L’art thérapie consiste à utiliser le processus créatif pour exprimer et mieux comprendre nos expériences. À ACSM-Yukon, l’ensemble des conseillers et conseillères généralistes peuvent aider la clientèle à gérer l’anxiété. Photo : fournie.

L’écoanxiété est souvent perçue comme pétrifiante, paralysante. Mais pour plusieurs jeunes adultes, l’écoanxiété s’impose comme un moteur plutôt qu’un frein dans la lutte contre les changements climatiques.

L’art thérapie consiste à utiliser le processus créatif pour exprimer et mieux comprendre nos expériences. À ACSM-Yukon, l’ensemble des conseillers et conseillères généralistes peuvent aider la clientèle à gérer l’anxiété. Photo : fournie.

 

Quatorze ans plus tard, Élise Brown-Dussault ressent encore des élans de culpabilité comme ceux qu’elle avait à l’adolescence. Plutôt que de les combattre, elle apprend désormais à vivre avec. « C’est sûr que je trouve ça paralysant, parfois, affirme-t-elle. Mais toute l’énergie que je dépense à me sentir mal, c’est quelque chose que je peux dépenser dans une action. »

Cette idée de se retrouver dans l’action plutôt que dans l’angoisse gagne du terrain chez les jeunes adultes, qui vivent avec l’écoanxiété depuis plusieurs années.

Poser des actions, quelles qu’elles soient

« Moi, mon anxiété, je la gère bien quand je pose des actions, affirme William Gagnon, candidat à la maîtrise en génie des bioressources à l’Université McGill. Quand on est anxieux financièrement, on fait un budget. Pour le climat, c’est la même chose. Que ce soit commencer un programme de compost au bureau, écrire des politiques, faire des actions individuelles… peu importe ce que c’est, ça va réduire notre écoanxiété. »

En février 2020, ce dernier a dirigé un atelier sur l’écoanxiété à la Bibliothèque publique de Whitehorse. « Dans l’atelier, j’identifie les émotions liées aux changements climatiques et j’explique comment on peut tenter de les [contrôler]. Après on a une discussion de groupe et les gens tombent rapidement en mode solution et action, se réjouit-il. Le sentiment d’urgence sort les gens de leur apathie. »

Geneviève Gagnon reconnaît également qu’« une partie de l’anxiété peut servir à se mobiliser ».

« L’anxiété, biologiquement, ça nous permet de faire face à un danger ou à une menace, explique-t-elle. Ça peut me mener à trouver des points d’espoirs, à se responsabiliser et à connecter avec des gens qui partagent ce sentiment-là et qui posent des actions. »

Élise Brown-Dussault pense aussi que l’engagement – à la hauteur des moyens de chacun et chacune – contribue à diminuer l’écoanxiété. « Pour avoir un peu plus de pouvoir sur la situation, il faut regarder notre vie et voir ce qu’on peut faire de manière réaliste, et comment on peut travailler là-dessus. Parce que ne rien faire pour le changement climatique, c’est l’empirer », avance-t-elle.

Pour elle, la transformation de son angoisse en quelque chose de concret passe par la recherche et par des choix individuels centrés sur ses valeurs. Tant Élise que William reconnaissent qu’en vieillissant, le sentiment d’impuissance face à l’urgence climatique s’amoindrit un tant soit peu.

Exit la culpabilité

Or, pour Élise, il y a un temps pour l’engagement et un temps pour privilégier sa santé mentale. Selon elle, l’écoanxiété est parfois enracinée dans quelque chose de plus profond qu’il devient primordial de considérer.

Même son de cloche pour William : « Si j’ai mal dormi, que je suis fatigué et que je n’ai pas fait de sport ni bien mangé, je suis pessimiste. Je ne suis pas créatif et je ne peux pas aider à régler le problème », admet-il. Pour prendre soin de la planète, il faut d’abord prendre soin de soi.

Ces pensées font aussi écho à celles de Jewel Davies, de la Première Nation Carcross/Tagish. Rencontrée au printemps dernier alors qu’elle débutait le programme de bourse en action climatique des Premières Nations du Yukon, celle-ci affirmait avoir beaucoup appris quant à l’importance de la compétence émotionnelle dans la lutte climatique. « Les émotions devraient être considérées comme une science importante », avait-elle ajouté.

Pour la conseillère Geneviève Gagnon, il demeure important de ne pas tomber dans le cercle vicieux de la culpabilité si on a l’impression de ne pas être en mesure de s’investir pleinement pour l’environnement.

Quand l’anxiété devient paralysante, des ressources existent. L’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM-Yukon) organise des séances d’écothérapie, où les personnes sont invitées à se connecter davantage avec la nature et le moment présent. « Quand on regarde la nature de près on peut y trouver beaucoup de symbolisme, d’espoir et de résilience », estime Geneviève Gagnon.

Pour Élise, tant le fatalisme et la naïveté nuisent à la lutte : « Le ‘‘On va tous mourir, ça ne marche pas ’’, ça n’aide en rien. » Elle soutient qu’il faut plutôt être capable de demander des changements : « Je suis capable d’être fâchée. Et on a le devoir, même si ce n’est pas confortable, de garder les yeux ouverts. »

 

IJL – Réseau.Presse
L’Aurore boréale