Des résolutions vertes
Alors qu’une vague de froid traversait le Yukon en janvier, une source de chaleur a émané des engagements écologiques de la Ville de Whitehorse : du compost pour près de 2 000 logements. Le programme municipal est destiné à rendre le compostage plus facile, et a été accompagné de campagnes d’information bilingues et de distribution d’autocollants et d’affiches. Les résidents peuvent également télécharger l’application What Goes Where sur leur téléphone afin d’avoir la bonne information au bout des doigts.
De l’information pertinente et accessible, c’est aussi le mandat que se sont donné les élèves de 6e année de l’École Émilie-Tremblay, en publiant tout au long de 2020 des capsules intitulées Chacun son geste dans les pages de l’Aurore boréale. Les élèves ont concentré leurs efforts sur le thème de l’environnement en réfléchissant aux impacts des gestes posés au quotidien. Une façon ludique et éducative pour les élèves – et les lecteurs et lectrices du journal! – d’être davantage conscientisé.es sur le sujet.
Moins de déchets au territoire
La nouvelle presse à balles pour les textiles installée à Raven Recycling constitue un pas de plus vers la diminution de déchets au Yukon. L’entente tripartite entre Raven Recycling, Whitehorse Firefights Charitable Society et le gouvernement territorial annoncée en février dernier a permis d’équiper le centre de recyclage de Whitehorse d’une machine pour recycler les textiles et en faire des balles, qui seront par la suite recyclées ou transformées.
Huit mois plus tard, deux initiatives gouvernementales voyaient également le jour. La Ville de Whitehorse a d’abord a déposé un projet de loi visant à interdire les sacs à usage unique. Si celui-ci est adopté rapidement, le Yukon pourrait devenir le premier territoire à emboîter le pas à d’autres provinces. Puis, le plan d’action Notre avenir propre a été annoncé. Cette stratégie gouvernementale de lutte contre les changements climatiques vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre du territoire de 30 % sous le niveau de 2010.
Loin des yeux, près du cœur
La pandémie aura eu raison de plusieurs occasions d’échanges et de contacts en 2020, mais elle n’est pas venue à bout de la solidarité des Yukonnais et des Yukonnaises. Mentionnons d’ailleurs la mise en place du groupe Facebook Entraide Yukon le 6 avril 2020 par l’Association franco-yukonnaise, une façon de resserrer les liens entre la communauté pendant cette période difficile. Près de 200 internautes y ont partagé mots d’encouragement, idées d’activités, conférences et formations, et continuent de le consulter.
Quant à elle, la microbrasserie Yukon Brewing s’est tournée vers la fabrication de désinfectants pour les mains dans le but d’en offrir gratuitement aux intervenant.es de première ligne et à ceux et celles travaillant dans les services essentiels.
C’est ce même élan de solidarité qui a mené la compagnie Yukonstruct à tendre la main aux membres de sa communauté. Rick Yorgason, le coordonnateur du programme Makespace, a ainsi commencé à produire des écrans faciaux pour les travailleurs et travailleuses qui interagissent avec des personnes potentiellement contagieuses. Rappelons que le 22 mars 2020, le Dr Brendan Hanley confirmait les deux premiers cas de COVID-19 au territoire.
L’année des enjeux sociaux
Pour plusieurs, l’an 2020 fut l’occasion de réfléchir à de nombreux enjeux sociaux, notamment en raison de la vague de dénonciations de violences à caractère sexuel ou du mouvement Black Lives Matter. Au début du mois de juin, une centaine de manifestants ont d’ailleurs défilé dans les rues de Whitehorse et de Dawson pour décrier le racisme envers les communautés noires et autochtones au territoire et dans le reste du pays.
En août, la Commission des droits de la personne du Yukon annonçait un projet quinquennal pour mettre fin au harcèlement sexuel dans les milieux de travail du Yukon. L’initiative Vers un Yukon sans harcèlement sexuel au travail souhaite créer un environnement dans lequel les employeur.es, le personnel et le grand public peuvent identifier le harcèlement sexuel et connaître davantage leurs droits et les outils à leur disposition afin d’y faire face.
Le 9 novembre 2020, le Yukon a adopté la Loi sur la protection de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. Le Yukon est ainsi devenu le premier territoire à interdire la thérapie de conversion. Il est aussi le premier à avoir dévoilé une stratégie en réponse à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. La stratégie de lutte contre la violence faite aux femmes, aux filles et aux personnes bispirituelles+ autochtones comporte 31 actions prioritaires à mettre en œuvre d’ici 10 à 15 ans.
La culture comme ralliement
Le domaine de la culture a été particulièrement ébranlé par la COVID-19, mais l’initiative de plusieurs organismes a tout de même permis à l’art de rayonner à travers la ville. C’est le cas d’Arts in the Park qui s’est associée à la radio communautaire CJUC pour que des spectacles d’artistes locaux soient diffusés quotidiennement sur ses ondes pendant tout le mois de juillet. Ainsi, une vingtaine de performances ont été présentées, une expérience unique, selon la productrice par intérim d’Arts in the Park, Brigitte Desjardins.
L’initiative de Marie-Hélène Comeau, la Caravane des dix mots, a aussi mis de la couleur dans le journal en plus de lancer aux lecteurs et lectrices une panoplie de défis associés à des mots de 2019 -2020. Le projet a été quelque peu différent cette année : Marie-Hélène Comeau a plutôt opté pour de courtes capsules présentant des défis artistiques faciles à réaliser avec des matériaux que l’on trouve chez soi, afin de s’adapter au contexte de 2020.
Changements scolaires
L’année 2020 a amené son lot de changements dans le domaine de l’éducation au territoire. D’abord, le Centre scolaire secondaire communautaire Paul-Émile-Mercier a ouvert ses portes le 13 novembre dernier sur la réserve éducative de Riverdale, accueillant 85 élèves de la 7e à la 12e année. Les travaux, ont été réalisés par la firme locale Ketza Construction.
Cette nouvelle école représente l’aboutissement d’une longue lutte judiciaire. Débutée en 2009, il a fallu attendre en avril 2020 avant qu’une entente de règlement entre la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY) et le gouvernement territorial se concrétise. Cette entente touche entre autres l’éducation en français, la programmation scolaire, la gestion du personnel et des bâtiments, ainsi que les rôles de la CSFY.
La construction d’une école secondaire francophone sur le campus de Riverdale à Whitehorse s’inscrivait au cœur des discussions. Cet accord permet aux trois écoles du campus de Riverdale d’optimiser l’utilisation des installations, notamment des espaces extérieurs et de l’aile de formation technique.
Le 19 mai 2020, le Collège de Yukon changeait de nom et devenait l’Université du Yukon, la première université des territoires du Canada. La transition s’était amorcée dès 2012 sur le socle de la réconciliation et de l’expérience nordique. L’université souhaite étendre la recherche sur l’Arctique et les changements climatiques et élargir les possibilités d’études postsecondaires pour les étudiant.es du Yukon.
2020 en sport : annulation et résilience
Évidemment, l’annulation des Jeux d’hiver de l’Arctique devant avoir lieu du 15 au 21 mars à Whitehorse en a déçu plusieurs. La compétition sportive internationale durant laquelle près de 2 000 jeunes issus de régions nordiques s’affrontent dans 21 sports différents n’a pas pu se dérouler en raison de la pandémie. Cela n’a toutefois pas empêché les équipes masculine et féminine de la discipline des sports arctiques du Yukon de s’adonner à une compétition amicale avec l’Alaska, une façon pour eux de contrer l’isolement et de pratiquer leur sport favori.
En septembre, le couperet est tombé sur la Yukon Quest. La mythique course de traîneau à chiens, annoncée pour février 2021, ne sera de retour qu’en 2022. Les Jeux de la francophonie canadienne ont aussi subi le même sort : le comité organisationnel a pris la décision en octobre de les repousser à l’été 2022.
L’incertitude régnant sur la reprise du sport universitaire n’a pas empêché le talent des jeunes Yukonais de se faire valoir à travers le pays. Dix jeunes, dont deux athlètes franco-yukonnais, se sont taillé une place dans une institution postsecondaire. Le fondeur Sasha Masson s’est joint à l’équipe du Rouge et Or de l’Université Laval à Québec et Roméo Champagne a intégré l’équipe de biathlon de l’Alpine Insurance Alberta World Cup Academy, qui est reliée à l’Université de Calgary. La persévérance de plusieurs aura donc réussi à faire de 2020 une année remplie d’accomplissements, de réflexions et de résilience.
Il y a un an, le premier éditorial de 2020 vous proposait une réflexion sur la notion de commencement. Il mentionnait que, techniquement, la décennie calendaire ne commencerait pas avant le 1er janvier 2021. Nous y voilà donc! Pour ce premier journal de l’année, explorons ensemble le concept de « premier ».
Comme si cette bonne année 2021 n’avait déjà pas assez de pression sur les épaules, il faut par-dessus le marché qu’elle se place en tête d’une décennie! Et, bien qu’encore à leurs balbutiements, les nouvelles années 20 sont déjà pleines de rebondissements, et pas seulement chez nos voisins du Sud.
Ces premiers jours de 2021 ont été marqués, ici aussi, par quelques belles premières fois : premiers vaccins au Yukon contre la COVID-19, première fois que, non pas une, mais bien deux personnes yukonnaises figurent parmi les personnalités influentes de la francophonie canadienne. Yves Lafond, dans sa chronique que vous trouverez en page 21 (tiens, comme l’année…), se remémore un de ses premiers moments en sol yukonnais, à travers une touchante rencontre.
Une question s’impose pourtant : pourquoi les premières fois sont-elles plus mémorables que les autres? La première personne qui a donné du gâteau au chocolat à notre enfant, la première descente de ski ou notre première tire d’érable? Si l’on se réfère à la philosophie, c’est simplement parce que le premier, par définition, prime. Selon Aristote, tout tient dans le concept de nouveauté. Le premier, c’est l’origine et le début de tout. Ce serait donc pour cela que ce qui arrive en premier devient si mémorable. Pas d’aboutissement s’il n’y a pas d’origine…
Mais que de pression sur ce chiffre 1!
Et si, pour diminuer cette pression, on se positionnait dans la catégorie des personnes qui situent 2020 comme la première année de la décennie. Ainsi, nous serions donc déjà à l’an 2 des années 20. Ouf! Quel soulagement! Mais est-ce que la pression est moindre pour cette deuxième année alors que la première a déjà mis des balises? Finalement, une fois que l’on connait le début de l’histoire, est-ce vraiment plus simple?
Chaque 1er janvier, les traditions incitent chacun et chacune à faire des résolutions. Habitudes saines, sport, alimentation, réflexion, information. Tout est matière à « faire mieux qu’avant ». Cette année ne fait pas exception, surtout en sortant des longues périodes de solitude propices à l’introspection. Mais avons-nous considéré une chose : et si ce que nous faisions était déjà bien? Et si sur certains points nous étions déjà sur la bonne voie?
Oui, nous avons toutes et tous des attentes pour l’avenir. Surtout après ces quelques mois de restrictions et à une époque où climat, santé, politique, enjeux sociaux et écologie se disputent les priorités. Mais comme a dit Lao Tseu, un sage chinois du milieu du Ve siècle avant J.-C. : « Un voyage de mille lieues commence toujours par un premier pas. »
Que l’on aborde 2021 comme une nouvelle décennie ou comme une version 2.0 de 2020, au bout du compte, il faudra tout simplement continuer de mettre un pas devant l’autre. Idéalement, en pleine conscience de chacune de nos actions, l’une après l’autre.
Janvier ou pas, premier ou pas, cette nouvelle année n’est finalement que le début du reste de notre vie. Je vous souhaite donc qu’elle soit resplendissante, puisse-t-elle briller en vous comme l’aube éclatante d’une nouvelle journée qui commence.
Le Palmarès 2020 des personnalités influentes de la francophonie canadienne de Francopresse est une distinction qui rassemble chaque année dix personnes dont l’influence a marqué la francophonie, au-delà de leur propre province ou territoire. En 2019, l’honorable Angélique Bernard, commissaire du Yukon, était la première personne franco-yukonnaise à faire partie de cette fine fleur. Avec M. Blais et le Dr Hanley, c’est une fois de plus toute la francophonie yukonnaise qui rayonne, doublement cette fois.
À g. : Le Dr Hanley est arrivé au Yukon pour la première fois en 1995, en tant que médecin de famille en remplacement. Il s’est installé au territoire dans les années 2000. Il a commencé ses fonctions en tant que médecin-hygiéniste en chef en 2008, « quelques mois avant la première pandémie de 2009 ». (photo : gouvernement du Yukon, Alistair Maitland) À d: Jean-Sébastien Blais est commissaire de la CSFY depuis 2013 et a été élu comme président en 2015. La présidence est réélue chaque année. (Photo Archives AB, Maryne Dumaine)
Une année éclatante pour l’éducation en français langue première
« J’ai été vraiment surpris », annonce d’entrée de jeu le président de la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY), Jean-Sébastien Blais. « Quand on s’implique dans la communauté, on le fait pour la cause, pas pour la reconnaissance », affirme-t-il humblement. « J’ai aussi de la fierté, car c’est tout le travail de la CFSY qui est reconnu, non pas par nos pairs du territoire, mais dans la grande communauté de la francophonie canadienne! C’est la reconnaissance du travail qui a été fait pour offrir aux élèves francophones des infrastructures et un environnement qui respectent leurs droits linguistiques. »
M. Blais souligne le côté historique de cette année 2020. En effet, au-delà des nécessités de s’adapter aux défis liés à la pandémie, on se souviendra de la victoire de la CSFY qui, après plus de dix ans devant les tribunaux, a obtenu la pleine gestion scolaire de l’éducation en français langue première du territoire, en avril dernier. L’année 2020 a aussi été marquée par l’ouverture, en novembre dernier, du Centre scolaire secondaire communautaire Paul-Émile-Mercier.
« Ces avancées sont importantes pour le Yukon, mais c’est aussi une avancée à travers le pays pour la reconnaissance des droits linguistiques de tous les francophones », ajoute M. Blais. « Cette reconnaissance met en lumière tout le travail des gens qui sont sur le terrain pour faire une différence dans la francophonie, au quotidien. C’est un travail qui demande beaucoup de persévérance. »
Jean-Sébastien Blais est également le 2e vice-président de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), qui tiendra d’ailleurs son congrès annuel au Yukon en 2022. « Ce sera une autre occasion de promouvoir nos réussites en matière d’éducation avec tous nos collègues du national. »
Concernant l’avenir à moyen terme, M. Blais mentionne que la CSFY pourrait se pencher sur la question de l’éducation francophone en milieu rural. « L’avenir nous amènera peut-être à démarrer un programme de français langue première, ou un projet pilote, en communauté. »
La priorité reste cependant, selon lui, de faire du CSSC Mercier un succès. « Nous avons une garderie efficace, une école primaire remplie et dynamique, nous souhaitons maintenant que Mercier soit un succès, afin d’offrir à nos élèves un continuum d’éducation attrayant et un bon soutien dans leur parcours de francophone. »
Les services en français dans le domaine de la santé
Le Dr Brendan Hanley est père de deux enfants qui fréquentent actuellement les classes de 7e et de 9e années du CSSC Mercier et il approuve les propos de M. Blais. « C’est plus qu’un nouvel édifice, c’est une partie très importante au cœur de la ville et de la communauté yukonnaise. Ma famille et moi sommes très heureux de ces accomplissements. »
La francophonie est entrée dans le cœur de Brendan Hanley dès son adolescence. Arrivé en Alberta à l’âge de six ans, il dit avoir été inspiré par Pierre Elliot Trudeau dans les années 70. « C’était important pour moi d’apprendre la deuxième langue officielle du Canada. Après l’école secondaire, une des premières choses que j’ai souhaité faire a été de suivre des cours à la faculté Saint-Jean, à Edmonton. » C’est ensuite en France, mais aussi à travers la littérature francophone et grâce à des voyages qu’il peaufine sa langue de Molière. « Vers l’âge de 30 ans, j’ai passé deux ans à travailler comme médecin dans une région francophone du Vanuatu, en Océanie. »
Lui aussi se dit surpris et honoré de faire partie de ce palmarès. « Quand je vois les autres personnes de cette liste, à travers tout le pays, je suis très impressionné d’en faire partie! » Le docteur souligne d’ailleurs que c’est pour lui un honneur de figurer sur la même liste que Shiela Risbud qui a tant contribué à sauver l’établissement postsecondaire (le seul de l’Alberta) où il est allé étudier il y a plus de 30 ans pour apprendre le français.
Souvent le seul à s’exprimer en français lors des points de presse du gouvernement reliés à la pandémie, le Dr Hanley marquait cependant son engagement envers la francophonie bien avant 2020. « Pour moi, c’est important de reconnaître la culture et la communauté francophone comme une partie intégrale de notre pays. » Il est également, selon lui, essentiel de comprendre les enjeux reliés à la santé dans sa propre langue et c’est une des raisons pour lesquelles il siège au comité consultatif du Partenariat communauté en santé. « La communauté francophone ici a une grande force. C’est une communauté très accueillante, avec beaucoup d’énergie et beaucoup de participation dans tous les secteurs. C’est très inspirant en tant que Yukonnais de participer à cette communauté francophone. »
Concernant l’avenir des services en français dans le milieu de la santé, le médecin-hygiéniste en chef mentionne qu’il faudra continuer « le travail pour normaliser l’habileté à répondre aux besoins des francophones ». Il ajoute également le travail, déjà entamé, vers la création d’un Centre communautaire de santé bilingue, ainsi que l’accès aux services de santé mentale et les services pour les personnes aînées francophones du Yukon.
Lire l’intégralité du Palmarès : https://auroreboreale.ca/palmares-des-dix-personnalites-influentes-de-la-francophonie-canadienne-2020/