le Vendredi 2 juin 2023
le Jeudi 9 Décembre 2021 5:49 | mis à jour le 28 novembre 2022 14:59 Société

Le réseau social TikTok : un outil pour la réconciliation?

Membre de la Première Nation Champagne et Aishihik, Jocelyn Joe-Strack est créatrice de contenu sur TikTok, où elle est connue sous le nom de auntyjocey. La titulaire
de la chaire de recherche sur les savoirs autochtones à l’Université du Yukon a été
sélectionnée pour participer à un « accélérateur » de contenu autochtone.
Membre de la Première Nation Champagne et Aishihik, Jocelyn Joe-Strack est créatrice de contenu sur TikTok, où elle est connue sous le nom de auntyjocey. La titulaire de la chaire de recherche sur les savoirs autochtones à l’Université du Yukon a été sélectionnée pour participer à un « accélérateur » de contenu autochtone.

L’application mobile TikTok et l’Institut national des arts de l’écran s’allient dans le cadre d’un programme d’accompagnement visant le développement de la présence en ligne de 30 créateurs et créatrices de contenu autochtone. Dans l’Arctique canadien, trois femmes figurent parmi les personnes sélectionnées pour participer à ce programme.

Membre de la Première Nation Champagne et Aishihik, Jocelyn Joe-Strack est créatrice de contenu sur TikTok, où elle est connue sous le nom de auntyjocey. La titulaire de la chaire de recherche sur les savoirs autochtones à l’Université du Yukon a été sélectionnée pour participer à un « accélérateur » de contenu autochtone.

 

D’une durée approximative de 30 heures et ayant débuté le 8 novembre dernier, le programme d’accompagnement est chapeauté par TikTok, qui compte un milliard d’utilisateurs et utilisatrices dans le monde, et par l’Institut national des arts de l’écran (NSI).

Ce mentorat permet aux créatrices et créateurs de contenu autochtones sélectionnés à travers le pays d’accroître leur présence sur la plateforme et de maîtriser les éléments clés qui caractérisent une bonne publication. D’autres outils permettant de bâtir une carrière sur les médias sociaux sont aussi enseignés, tels que la mise en place de collaborations avec des marques et des pairs.

Trois créatrices issues des territoires figurent sur la liste des personnes participantes sélectionnées par un jury indépendant composé de professionnels et professionnelles de l’industrie de l’écran et de la création de contenus autochtones, avec la contribution de TikTok Canada.
Sherry McKay, Brett Mooswa et Fawn Wood font partie des responsables de la formation. « Le programme a été codéveloppé par le NSI et TikTok Canada à partir d’éléments traditionnels et spirituels », résume TikTok Canada. « Il fournira aussi des conseils et des séances personnalisées basées sur les compétences, des exercices pratiques et des connexions avec des experts de l’industrie et des pairs. »

L’alimentation traditionnelle au Nunavut

Bien que chacune des trois participantes de l’Arctique canadien sélectionnées pour le programme offre un contenu qui est propre à son champ d’intérêt, la culture autochtone demeure un élément central des publications.

Lori Ann Tulugak Kopak, du Nunavut, présente sur la plateforme TikTok depuis 2019 sous le nom de loraven16. Elle partage à plus de 26 000 membres abonnés du contenu lié à la nourriture traditionnelle inuite et à la façon dont elle est cuisinée en y incorporant la nourriture occidentale.

Elle offre également du contenu éducatif lié à l’inuktitut et présente des voyages de chasse. « Je veux que plus de gens connaissent nos modes de vie et les différences par rapport aux modes de vie du Sud », indique-t-elle.

Âgée de 34 ans, la jeune femme se sent privilégiée de pouvoir participer à ce programme. « J’ai été étonnée d’être l’une des participantes sélectionnées. Surtout venant du Nunavut et étant une Inuite, peu de gens ont pareilles opportunités et j’espère qu’ils vont continuer ainsi. »

Un modèle pour les jeunes artistes aux Territoires du Nord-Ouest

Résidante de Tuktoyaktuk aux Territoires du Nord-Ouest, Uvanga Atira Taalrumiq, connue sous le nom de Christina King, est une artiste, designer et éducatrice suivie par plus de 31 000 membres abonnés sur la plateforme.

« Je crée du contenu sur la culture inuvialuite : notre façon de nous vêtir, notre histoire, notre humour, le quotidien et mon travail d’art et de design. J’ai rejoint TikTok lors de la première vague de la pandémie en avril 2020 et j’ai rapidement remarqué un manque de contenu et de représentation spécifiques aux Inuvialuits sur l’application », explique l’artiste de 43 ans qui est aussi mère de cinq enfants.

Elle souhaite que les jeunes Inuits et Inuites puissent s’identifier à une artiste et son parcours, via un réseau social. « Je veux qu’ils sachent et croient qu’ils ont une valeur intrinsèque, de la force, de la résilience, du talent, des compétences, de l’intelligence, de la beauté et qu’ils peuvent être fiers de leur identité en tant qu’Inuits ».

À travers ce programme, elle souhaite acquérir de nouvelles compétences et atteindre un public plus large dans l’objectif de partager sa culture avec le plus grand nombre de personnes.

La relation avec la nature au Yukon

En plus d’être titulaire de la chaire de recherche sur le savoir autochtone de l’Université du Yukon, Jocelyn Joe-Strack est philosophe et artiste. Membre de la Première Nation de Champagne et Aishihik, elle partage avec 23 000 membres abonnés ses publications axées sur les enseignements traditionnels et la connexion avec la nature sous le nom de auntyjocey.

Présente sur TikTok depuis août 2021, elle s’efforce de faire évoluer les politiques concernant la lutte contre le changement climatique en combinant les savoirs autochtones avec les connaissances issues des sciences occidentales.

« Je partage mon contenu [sur la plateforme] TikTok pour aider les jeunes sur le chemin de la reconquête de leur identité en tant que membre d’un peuple autochtone », déclare Jocelyn Joe-Strack.

Un outil remarquable pour la réconciliation

Selon Lindsay Lynch, créatrice de partenariats et gestionnaire de communauté chez TikTok Canada, le numérique permet d’offrir une tribune aux personnes autochtones. « Nous nous engageons à soutenir et à élever les voix autochtones chaque jour en offrant une plateforme sure et inclusive aux créateurs pour raconter leurs histoires, lancer leur carrière et partager leur patrimoine culturel », affirme-t-elle.

« Le NSI soutient depuis longtemps divers conteurs par le biais d’une formation et d’un développement professionnel. En nous réunissant, nous espérons amplifier ce travail dans le cadre de l’engagement continu de TikTok à célébrer et à soutenir les créateurs et les communautés autochtones », ajoute-t-elle.

Pour les créatrices des territoires, leur présence en ligne ainsi que leurs perspectives permettent de jouer un rôle important dans le processus de la réconciliation. « Je crois que la plateforme TikTok permettra au processus de la réconciliation de progresser. Elle permet [aux Canadiens et Canadiennes] de prendre conscience de ce qui est arrivé à notre peuple », pense Lori Ann Tulugak-Kopak.

Tiktok se résume à de courtes séquences vidéo, et c’est ce qui fait sa marque de commerce. Pour Christina King, ce format est propice à la diffusion facile et rapide de son message. « C’est un excellent moyen de créer un aperçu fascinant de la vie des Inuvialuits. Par ce biais, nous préservons notre culture, nous revendiquons notre identité et notre propre narration », affirme-t-elle.

À la suite de l’onde choc créée par la découverte de centaines de tombes anonymes d’enfants du pensionnat de Kamloops en mai dernier, Christina King estime que la population canadienne est maintenant prête à écouter et à reconnaître les nombreuses injustices auxquelles les peuples autochtones ont été confrontés.

« En tant que créatrice de contenu autochtone, éducatrice et mère, il est réconfortant et stimulant de contribuer à la réconciliation en créant un contenu autochtone positif, en éduquant l’auditoire sur la culture inuvialuite. [Je peux aussi] soutenir et encourager les jeunes, les communautés et les autres créateurs autochtones », déclare-t-elle.

Jocelyn Joe-Strack abonde dans ce sens et affirme que ce programme est un outil incroyable pour relever les défis qui jalonnent la voie de la réconciliation.

« Nous avons besoin de toutes les connaissances authentiques et significatives possibles pour pouvoir avancer dans le bon sens, remarque-t-elle. La trame narrative et la créativité que nous offre la plateforme TikTok nous permettent de partager et d’apprendre ensemble, d’une façon merveilleuse. »

Articles de l’Arctique est une collaboration des cinq médias
francophones des territoires : les journaux L’Aquilon,l’Aurore
boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga