le Vendredi 24 mars 2023
le Vendredi 30 septembre 2016 11:25 | mis à jour le 18 janvier 2023 14:43 Éditoriaux

Les contes de fées ont un prix

L’effervescence suscitée lors des visites de la monarchie britannique n’est pas prête de fléchir. Selon les sondages les plus récents, près de 70 % des Canadiens soutiennent encore la monarchie constitutionnelle canadienne, et plus de la moitié du pays se réjouit que la reine Élisabeth II soit le chef de l’État canadien (Nanos Research, 2016, Forum Research, 2015). Il va sans dire que cette passion grise davantage le Canada anglais que les citoyens de la Belle province; nombreux sont d’ailleurs les francophones du Canada à soutenir l’idée d’une transition républicaine.

Alors que la course à l’égalité des chances rythme nos quotidiens de citoyens toujours prompts à batailler contre l’injustice et les discriminations, cet amour inconditionnel de la monarchie peut en laisser plus d’un perplexe. Le Canada de 2016 peut-il encore se permettre d’entretenir cette idée infondée du droit héréditaire? Comment consentir à cette aristocratie de naissance forgée sur des principes archaïques?

Les soutiens de la monarchie canadienne mettent en avant la stabilité et la continuité offertes par le système et en appellent au maintien de l’histoire, de la culture et des traditions ancestrales. Mais une abolition de la monarchie canadienne ne plongera pas plus la nation dans l’anarchie qu’elle ne brisera son unité. Dans un État de droit, il est donc bien regrettable que les trois quarts du pays se complaisent encore dans cette illusion que le pouvoir se détermine à la naissance.

Cela dit, le prince William, sa conjointe et leurs deux enfants semblent être des gens tout à fait fréquentables que le Canada se doit d’accueillir chaleureusement, et l’on ne peut que se féliciter que le protocole et les traditions familiales ont aiguillé le duc de Cambridge sur la voie toute tracée de l’écoute et de la générosité. Du moment que les intentions sont bonnes, on ne peut en effet qu’applaudir à l’inauguration d’une léproserie, d’un orphelinat ou d’une quelconque fondation caritative marquée du sceau des monarques. Par tradition, ces investissements royaux font d’ailleurs partie des convenances ordinaires de la monarchie britannique, dont la valeur des actifs a été estimée en 2015 par Reuters à près de 40 milliards de dollars.

A contrario, le financement des tournées royales est la chasse gardée de Patrimoine canadien. Ainsi, que ça nous plaise ou non, nos deniers payent pour le duc. Le gouvernement n’a pas encore rendu publics les coûts de cette tournée automnale, mais l’on sait déjà que les frais de la dernière visite de 2009 s’étaient montés à 1,2 million de dollars. En 2010, la tournée de la reine avait quant à elle coûté 2,8 millions de dollars au contribuable. Mais si nombre d’entre nous soutiennent encore la monarchie canadienne et ses symboles, qu’il en soit ainsi. La démocratie a parlé et c’est finalement ce qui compte le plus.