Jean-Pierre Dubé (Francopresse)
Divorce, contraception, unions libres et homosexuelles. Au Synode sur la famille, du 5 au 19 octobre, la réalité des fidèles heurte la tradition catholique, promettant un débat contrasté malgré les appels au calme. Paul-André Durocher est l’unique Canadien à participer.

Le vice-président de la CECC, Douglas Crosby (Hamilton) et le président Paul-André Durocher (Gatineau) lors d’une récente consultation des 65 évêques canadiens sur le Synode. (Photo : CECC)
« C’est certain qu’il y a une diversité de convictions sur la famille, reconnaît l’archevêque de Gatineau et président de la Conférence des évêques catholiques du Canada (CECC). Des groupes veulent que leur point de vue avance et ils le font avec des outils médiatiques. Autrefois, ça se faisait par lettres et discussions de corridor ; aujourd’hui, par les médias, blogues et webinaires.
« Il y a beaucoup d’agitation en partant, mais les cardinaux ne sont pas en train de créer des clans, sourit Mgr Durocher. Ça fait 50 ans qu’on n’a pas vu ce genre d’effervescence autour d’une rencontre des évêques. La dernière fois, c’était Vatican II, le Concile sur la liturgie qui a donné des grands changements dont les gens parlent encore. »
L’enthousiasme des fidèles espérant un assouplissement des pratiques pastorales a été contesté par le récent positionnement de la droite religieuse. Si bien que le secrétariat du Synode a appelé le 29 septembre « à la sérénité, à la pondération et au calme ».
La vice-doyenne de la Faculté de théologie de l’Université Saint-Paul (Ottawa), Catherine Clifford se réjouit. « On n’a pas vu ça depuis des décennies. C’est très sain qu’on puisse se dire qu’on n’est pas du même avis. Ce qui a changé, c’est que François invite un débat ouvert et franc sur le vécu des gens. Il veut que tout le monde ait l’occasion de s’exprimer. »
Le Synode extraordinaire annoncé en octobre 2013 réunit 200 prélats à Rome pour débattre des défis pastoraux. Depuis son élection, François 1er a posé des questions étonnantes et des gestes qui ont scandalisé.
Le 14 septembre, le pontife a célébré au Vatican le mariage d’une vingtaine de couples dont le parcours défie le droit canonique. « Le mariage n’est pas un chemin facile, a-t-il déclaré, c’est un voyage parfois conflictuel, mais c’est la vie. »
Paul-André Durocher contextualise : « Le pape François s’inquiète beaucoup de la réalité des familles et de la difficulté de l’Église comme institution de transmettre sa sagesse. Les évêques sont d’accords que ces défis sont réels et se tournent vers le Synode pour une réflexion permettant de renouveler la pastorale. »
Il donne en exemple la déclaration de nullité du mariage. « Certains voudraient voir cette procédure allégée. Ça prend deux ans – c’est long dans la vie d’un couple. Ensemble, les évêques vont tenter de trouver des solutions. » Les catholiques ayant renié leurs vœux sont en principe exclus des sacrements.
Il y a d’autres défis que le divorce et le remariage dans d’autres continents, ajoute Catherine Clifford. « Il y a la polygamie dans la tradition africaine. Aux Philippines, où 10 % des gens travaillent à l’étranger, les parents sont séparés de leurs enfants pendant de longues périodes. Le pape nous a invités à revisiter toutes les pratiques de l’Église. »
Par exemple, souligne-t-elle, la question du rôle de la femme a été abordée. « Le pape voit la nécessité d’une plus grande inclusion des femmes dans les instances décisionnelles de l’Église. »
La démarche du Synode a débuté par une consultation mondiale des paroisses comprenant 38 questions. Les réponses ont fait l’objet de résumés issus des 140 conférences épiscopales que Rome a réunies dans une synthèse (disponible en français sur son site web) constituant le document de travail du Synode.
« Tout ce qu’on a fait ressortir de notre rapport national se trouve dans la synthèse universelle, précise Mgr Durocher. Au Synode, on va tenter d’améliorer et d’enrichir le document mais on ne prendra aucune décision. » Une année de réflexion, d’études et d’échanges sera suivie du Synode ordinaire de 2015, qui réunira cette fois 400 évêques.
Ils formuleront alors des recommandations, souligne le délégué du Canada. « Le pape recevra ces propositions et il va lui-même rédiger une exhortation à tous les fidèles du monde. »
La prochaine année est cruciale pour le processus, selon Catherine Clifford : « Il serait dommage de croire que tout a déjà été décidé. Le défi, c’est de créer des espaces d’écoute et de dialogue. On n’a pas l’habitude de faire cela. Ça ne fait que commencer. »