Jean-Pierre Dubé (Francopresse)
La Cour fédérale a reconnu en 2012 le conflit entre la LLO et la Loi sur la radiodiffusion. Le 8 septembre, le tribunal a tranché en faveur du Bureau du commissaire aux langues officielles (BCLO), confirmant son droit d’enquêter sur la programmation de la SRC.
« Il était important pour moi que la Cour fédérale réponde aux questions juridiques qui faisaient toujours obstacle à la collaboration de CBC/Radio-Canada à mes enquêtes, a déclaré Graham Fraser. Maintenant qu’elle a répondu de façon claire et détaillée aux préoccupations de CBC/Radio-Canada, j’espère que le diffuseur me laissera exercer le mandat que le Parlement m’a confié. »
Le jugement confirme que le diffuseur public est assujetti à la Loi sur les langues officielles, notamment la partie VII. Comme toutes les institutions fédérales, Radio-Canada a « l’obligation de prendre des mesures positives pour favoriser l’épanouissement et appuyer le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire ».
Selon la Cour, Radio-Canada a l’obligation d’agir de façon à ne pas nuire au développement des minorités de langue officielle. En 2009, un poste de la SRC en Ontario avait subi une coupure importante de sa programmation, générant 876 plaintes.
Rappel de Graham Fraser : « CBC/Radio-Canada avait refusé de collaborer à mon enquête en s’objectant à ma juridiction en vertu de la loi. Aujourd’hui, la Cour a confirmé que les plaignants avaient raison de porter la situation de CBEF Windsor à mon attention. Mon enquête était valide et mes questions étaient légitimes. »
« Ce jugement met fin à une impasse de longue durée, explique le commissaire. J’ai le mandat de faire enquête sur les plaintes à l’égard de CBC/Radio-Canada. J’espère qu’ils ne porteront pas le jugement en appel et que nous puissions maintenant consacrer nos efforts au service des communautés de langue officielle selon nos mandats respectifs. »
La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), Marie-France Kenny, est satisfaite. « Déjà, avant les coupures de Radio-Canada, on avait les mêmes doléances et les gens déposaient des plaintes. Une autre série de coupures vont arriver. On a maintenant deux outils pour faire notre travail : le commissaire aux langues et le CRTC.
« On ne va pas se garrocher pour faire des plaintes, assure la présidente. Ce qu’on fait, c’est de travailler avec Radio-Canada pour obtenir des mesures positives. Comment est-ce qu’on peut assurer l’équité pour nos communautés ? Le one-size-fits-all, ce n’est pas la solution. »
Le gouvernement fédéral n’augmentera pas le financement du diffuseur public, reconnait Marie-France Kenny. La FCFA entend donc approcher le CRTC pour rétablir le Fonds d’aide à la programmation locale, éliminé en 2013. « Il y a moyen de faire des choses à Radio-Canada qui ne coûtent pas les yeux de la tête. » Selon la résidente de la Saskatchewan, la priorité demeure les bulletins de nouvelles.
« Ce sont les seules nouvelles locales que j’ai en français à la télé. Je trouve dommage que les bulletins ont été réduits à 30 minutes. J’aimerais qu’on ait un bulletin national d’une heure qui comprendrait des nouvelles des autres communautés. On a très peu d’informations les uns sur les autres. Je veux savoir quels sont les enjeux des francophones d’ailleurs. »
La dernière ronde de coupures a coïncidé en juin avec un rapport du Comité sénatorial des langues officielles sur le rôle de la SRC. « On peut comprendre que les pressions financières causent des problèmes, a souligné la présidente du Comité, Claudette Tardif. Mais il faut quand même que les obligations linguistiques soient respectées. »
Selon le rapport, élaboré après la collecte de 80 témoignages sur deux ans, la SRC ne répond plus à ses obligations. « Les communautés veulent se voir et s’entendre à la télé, a expliqué la sénatrice, au régional comme à l’antenne nationale. Les communautés tiennent beaucoup à la SRC. On critique parce qu’on veut une réponse aux attentes.
« Il faudrait aussi revoir toute la culture organisationnelle, selon Claudette Tardif. On demande des mécanismes de consultation et de reddition de comptes sur la place des communautés. On veut aussi plus de participation aux bulletins nationaux et plus de productions indépendantes. »
Le diffuseur avait annoncé des coupures de 130 millions $ et 657 mises à pied sur deux ans. Il compte présentement 8400 employés et des revenus annuels de 1,5 milliard. Le Comité sénatorial a demandé à Radio-Canada de réagir à ses recommandations avant la fin de 2014.