Fred Lauk
Il est des gens qui arrivent à penser à long terme, qui voient les choses avec du recul, de la hauteur. Jean-Paul Pinard est de ceux-là. Lors d’un atelier donné les 13 et 14 mai, il va nous exposer son idée, à l’échelle de la ville, pour faire économiser de l’énergie, beaucoup d’énergie.
Tout d’abord, il faut être clair sur les définitions : lorsqu’on parle d’énergie, on parlera ici d’électricité. Pour des raisons évidentes, la demande électrique concerne localement le chauffage (50 %) et l’eau chaude (25 %).
Jean-Paul Pinard, ingénieur en mécanique, membre de la Société de conservation du Yukon, a le souci de préserver l’environnement, en particulier en privilégiant les énergies renouvelables aux énergies fossiles.
En l’état actuel des choses, 80 % des foyers sont chauffés à l’huile. Ce qui représente un cinquième de la consommation d’énergie sur le territoire (vous suivez?). Le principe présenté sera de remplacer cette portion par de l’énergie renouvelable, et ce, en répartissant les demandes énergétiques.
Près de 99 % de l’électricité yukonnaise provient d’énergies renouvelables. Soit des barrages (à Whitehorse, Mayo et Aishihik) et de l’éolien. Cependant, lorsque la demande énergétique dépasse la capacité de distribution, les génératrices diesel se mettent en marche. Les retenues d’eau ne permettent pas de pallier ces pics énergétiques puisque – primeur – les lacs gèlent l’hiver, et les éoliennes ne peuvent assurer une production suffisante et le solaire l’hiver…
La solution que propose Jean-Paul Pinard est d’emmagasiner de l’énergie sous forme de chaleur. Ce, afin de régler le problème non pas à la production, mais à la distribution. Pour ce faire, il propose d’équiper les foyers de magasins thermo-électriques (Electrical Thermo Storage) ou ETS.
L’ETS se présente comme une sorte de chaudière qui contient des briques constituées d’un alliage thermophile (oxyde de fer, céramique, argile) qui peuvent être chauffées jusqu’à 700 degrés et redonnent l’énergie. L’ETS chaufferait la nuit, pendant les périodes de moindres demandes énergétiques et rendrait la chaleur la journée.
Ainsi, le schéma de demande énergétique serait calqué sur celui de la production. Les génératrices au fioul n’auraient pas de raison de se mettre en marche.
Mais le projet va encore plus loin. Afin d’optimiser au maximum les capacités énergétiques, une solution serait de faire communiquer entre elles les machines grâce à un réseau électrique intelligent (smart grid). Ce dernier pourrait décaler les déclenchements des ETS pour ne pas créer de trop fortes demandes simultanées, pourrait contrôler les sites de production pour redémarrer les puissances, etc. À une autre échelle, c’est le système… du corps humain qui utilise le glucose disponible pour faire fonctionner les muscles et le stocke l’hiver dans le ventre, les fesses, etc. On ne vous fait pas un dessin!
Ce procédé possède de nombreux avantages. Outre le fait que l’énergie produite est « verte » et que ce changement aurait un retentissement économique secondaire certain, le fait de produire de l’énergie renouvelable coûte bien moins cher que de l’énergie fossile, environ la moitié. Installé sur deux foyers, dont le sien, Jean-Paul Pinard a calculé qu’un seul ETS permet à Yukon Energy d’économiser environ mille dollars. Sa facture personnelle n’a bien sûr pas changé d’un iota.
Car c’est là où le bât blesse. Cette solution qui anticipe les aménagements urbains des dix prochaines années n’est pas gratuite, loin de là. La volonté de passer au renouvelable a un coût, environ 17 000 dollars par foyer. C’est le prix à payer pour anticiper les dépenses d’énergie et probablement la hausse de leur coût. Plusieurs familles se sont déjà montrées intéressées pour s’équiper d’ETS. Afin que ce projet soit étayé par des chiffres solides, il faudrait qu’une centaine de bâtiments en soient pourvus.
Dans des solutions d’avenir, on peut imaginer voir s’équiper des bâtiments publics, on peut concevoir des mesures incitatives gouvernementales telles qu’une différence tarifaire de l’électricité selon les heures du jour et de la nuit, ou des crédits d’impôt comme cela se fait, entre autres, en France. En attendant, Jean-Paul Pinard continuera à dessiner l’avenir à grands traits d’éoliennes, un des projets qu’il garde dans ses cartons.
L’atelier aura lieu les journées des 13 et 14 mai à l’hôtel Gold Rush Inn, rue Main. Il sera suivi d’une séance publique le soir de 18 h à 20 h. Inscriptions auprès de la Yukon Conservation Society au 668-5678 ou sur leur site Internet.