Quand j’étais jeune, des rejets, il y en avait et de l’intimidation aussi. Alors pourquoi est-ce qu’on en parle plus maintenant que dans les années 1980? Il y a l’effet de mode, bien sûr, mais une piste de réponse se trouve du côté d’Internet. Cela n’explique pas tout, mais quand même…
Quand j’étais jeune, les rejets pouvaient trouver un refuge à la maison. Là, personne ne pouvait les persécuter. Maintenant, avec les médias sociaux, les téléphones intelligents, les iPod, les iPad, les bullies peuvent les trouver partout.
Pas facile dans ces conditions de décrocher.
Et là, soyons clairs, malgré toutes les critiques que je vais soulever, tous les points d’ombre du Web que je vais nommer, je ne crois pas que ce soit une mauvaise chose. Internet a le dos large et on a souvent tendance à lui faire mauvaise presse. Mais ce n’est qu’un outil… ce sont les humains derrière qui font qu’on peut trouver en ligne ce que l’humanité a à offrir de mieux… et de pire.
Pourquoi je pense à ça aujourd’hui? Parce que j’ai trois enfants qui grandissent tranquillement. Ils ne sont pas encore en âge d’avoir leur compte Facebook, mais le plus vieux montre de plus en plus d’intérêt envers ce que je fais sur mon ordinateur.
Et ça m’a fait réaliser qu’ils grandissent dans un monde qui n’est pas le même que celui que j’ai connu. Maintenant, tes conneries peuvent te suivre pas mal plus longtemps. Et même quand c’est effacé, on ne sait jamais qui l’a conservé et à quel moment ça va nous ressortir dans la face.
Il y a une dizaine d’années, il y avait eu le cas célèbre du Star Wars Kid. Un jeune homme était devenu une vedette du Web malgré lui. Il avait filmé une séquence où il imitait un personnage de Star Wars et avait oublié de reprendre la cassette vidéo. Des compagnons de classe l’avaient trouvée et mise en ligne où elle avait été reprise par des gens d’un peu partout dans le monde qui en avait fait divers montages. Aujourd’hui, Ghyslain Raza a la mi-vingtaine. Mais dans l’imaginaire collectif, il demeure le Star Wars Kid.
On peut parler aussi de quelques cas de suicides de jeunes femmes qui ont vu des photos d’elles nues réapparaître pendant des années sur le Net. Dans certains cas, on parle même de photos prises lors d’un viol. Un de mes amis professeurs m’a parlé d’un de ses étudiants qui croyait converser en vidéo seul à seul avec la plus belle fille de l’école. Elle lui a demandé de se déshabiller et de se masturber. Il l’a fait… Elle n’était pas seule, mais en plein milieu d’un party avec une dizaine de jeunes de l’école. Le lendemain, tout le monde avait accès à la vidéo. Le jeune a changé d’école, mais la vidéo a suivi.
C’est ça le pire. Le fait que tes pires niaiseries te collent maintenant à la peau. Quand j’étais jeune, j’ai fait des folies. Rien de bien grave, mais quand même des choses que je n’aimerais pas voir ressortir en ce moment. De nos jours, j’ai l’impression que nos jeunes grandissent en terrain miné. Chacun est un paparazzi en puissance avec son téléphone intelligent qui, pratiquement, est un mini-studio de montage.
Et il n’y a pas que les adolescents qui utilisent mal Internet. D’ailleurs, il y a de plus en plus de cas documentés de gens qui ont perdu leur emploi à cause de commentaires déplacés sur Internet. Les gens l’oublient, mais on a une obligation de fidélité envers notre employeur. Même en ligne. Même dans nos temps libres. Même en dehors des heures de bureau. Ce qui fait que non, tu ne peux pas critiquer ton entreprise sur ta page Facebook, même si elle est soi-disant privée. Et non, tu ne peux pas commenter les négociations ou les projets de ton entreprise qui sont encore à une étape confidentielle. Et je ne parle pas des cas de personnes prétendument en arrêt de travail pour cause de maladie qui mettent des photos d’eux dans le Sud sur leur page Facebook.
Déjà, depuis le début de la campagne électorale au Québec, on a un candidat qui a dû se désister parce qu’il avait retransmis une image islamophobe sur Facebook (Jean Carrière), et un autre dont la propension à montrer ses fesses en public est documentée sur sa page personnelle (Steven Fleurent).
D’ailleurs, de plus en plus d’employeurs vont regarder la page Facebook et les autres présences en ligne des candidats qui soumettent leur C.V. avant de les convoquer en entrevue. Petit test : regardez votre page et googlez votre nom. Regardez attentivement ce qui en ressort. Ensuite, demandez-vous si c’est l’image que vous voulez que votre employeur garde de vous. Si la réponse est non, un petit ménage s’impose.
Quelle est la solution? Arrêter Internet? Revenir à cette époque lointaine où nous devions téléphoner aux gens, écrire des lettres ou même se déplacer pour communiquer avec les autres? Empêcher nos enfants d’aller en ligne?
Ne vous en faites pas, je suis loin d’en être là. Je crois plutôt que l’essentiel passe par l’éducation. Il y a déjà des campagnes d’information qui portent leurs fruits. Mais au-delà de ça, je crois que c’est important que les parents expliquent et montrent à leurs enfants comment utiliser cet outil. C’est également essentiel d’être vigilant. De savoir ce que nos enfants font dans leur vie en ligne, pour s’assurer qu’ils n’en paieront pas le prix dans la vraie vie.