Si dans une exposition vous voyez des spectateurs effectuer une sorte de danse étrange à base de pas de côté et en avant et en arrière, ne vous en faites pas : vous en ferez de même devant l’expo « Projection intérieure projection ».
En ce moment, et jusqu’au 29 mars, la galerie Underground fait un savant mélange entre art ancestral et nouvelles technologies. En avançant dans le musée en sous-sol, on commence par l’intéressante toponymie yukonnaise, en passant par l’art millénaire aborigène pour arriver aux installations interactives de Marten Berkman et Baptiste Bohelay, à la pointe de la technologie.
Décrire leur œuvre n’est pas aisé. D’un côté, vous avez les images de roches en anaglyphe (vous savez les lunettes rouge et verte) qui ressortent remarquablement du cadre, en cohérence avec le thème de la Terre qui est récurrent dans son (importante) œuvre. Un splendide portrait de danseuse aborigène est réalisé avec la même technique, ainsi qu’une intéressante mise en abîme de la 3D.
L’autre partie de l’exposition consiste en un immense écran haute définition sur lequel défilent des paysages. Grâce à des lunettes polarisées, les paysages entrent dans la troisième dimension et embarquent le spectateur avec eux. En effet, vous voilà présents à l’intérieur de l’œuvre sous la forme d’une sorte d’ombre polymorphe colorée qui suit vos déplacements. On ne fait pas plus immersif!
Pour décrire le mieux ce travail dense, étonnant et réflexif, nous avons demandé aux artistes de nous accorder une interview.
L’Aurore boréale (AB) : Bonjour, comment définiriez-vous votre travail?
Marten Berkman : C’est la Terre et notre relation avec elle.
Baptiste Bohelay : Je suis attiré par le psychédélisme, alors je dirais que c’est un rêve éveillé. Un autre endroit sous une autre forme.
AB : Pourriez-vous définir l’art?
Marten éclate de rire : L’art, c’est…
Baptiste : C’est une extension de la nature.
AB : Pourquoi êtes-vous venus à Whitehorse?
Baptiste : Je suis arrivé de Paris pour vivre le stéréotype yukonnais, et puis j’ai eu un coup de foudre avec la nature.
Marten : J’explore le Nord depuis vingt ans. Entre la richesse de la culture et la nature, je me suis senti chez moi.
Baptiste : Oui, tu sais, on est voisins et je vais bosser chez lui en ski-joering.
AB : Quel est l’état de l’art à Whitehorse?
Baptiste : C’est bien, les idées sont ancrées dans la nature et la tradition, mais il manquerait quelque chose de moins politiquement correct, de plus subversif.
Marten : Tu as raison, cependant, il y a une belle diversité pour une si petite communauté. L’art est très accessible.
AB : Comment avez-vous pris la décision de faire cette exposition commune?
Marten : On s’est rencontrés l’été dernier à l’occasion d’une présentation de Baptiste sur les arts interactifs, il a de solides bases multimédias, ce qui ouvrait de nouvelles portes. On est complémentaires.
Baptiste : On a trouvé notre harmonie ensemble.
AB : Quelles sont vos influences?
Baptiste : Pas facile, Fred Frith.
Marten : C’est un musicien, lui? Moi, je dirais Philippe Baylaucq ou Maria Lantin.
Baptiste : Oui, je pense aussi à NXNW à Austin et sinon, au Festival de films du Yukon, j’ai bien aimé Vincent Morisset.
AB : Heu, on regardera sur Google. Qu’allez-vous retirer de cette expo?
Baptiste : Je vais être pragmatique : c’est ma première exposition, alors je vais dire de l’expérience et du fun.
Marten : C’est tellement le fun! C’est un pied à l’étrier vers autre chose.
Baptiste : Et puis, entre nous ça a coulé tout seul.
Marten : Chacun apporte ses réflexions. On a déjà des idées pour un prochain projet.
AB : Quel est-il?
Marten : Vous verrez bien. Mais ça tournera autour de la Terre.