Près d’une centaine de personnes – dont une dizaine de jeunes – s’étaient déplacées au gymnase de l’école Émilie-Tremblay, à l’occasion de la consultation publique organisée dans la soirée du mardi 16 avril par la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY).
Au cœur des discussions, l’offre du gouvernement du Yukon d’intégrer l’Académie Parhélie aux infrastructures de la future école secondaire F.-H. Collins. Le public était invité à donner son opinion sur une éventuelle ouverture des négociations à ce sujet, et la mobilisation a été plutôt forte : pendant plus de deux heures, pas moins de 27 intervenants – enseignants, parents, élèves ou anciens élèves, mais aussi décideurs de la communauté francophone et plusieurs anglophones – se sont en effet succédés aux deux pupitres installés de chaque côté de la salle.
Les élèves partagés
La soirée de consultation a débuté par un mot du ministre de l’Éducation du Yukon, Scott Kent, lequel est resté par ailleurs très attentif à chaque intervention, grâce à une traduction simultanée assurée par Jean-François Blouin.
Le président de la CSFY, Luc Laferté, s’est contenté d’un message clair et concis. « Je vais être bref, comme d’habitude : la commission scolaire est ici pour vous écouter », a-t-il déclaré sans détour.
Après une mise en contexte présentée par la directrice de la CSFY, Lorraine Taillefer, la parole a été donnée aux principaux intéressés. Par la voix de leurs porte-parole, Justin et Aislinn, les élèves de l’Académie Parhélie ont ainsi pu faire connaître leurs arguments en faveur et en défaveur du projet.
Sans réelle surprise, c’est la perspective d’une plus grande socialisation qui constitue l’argument de poids pour les défenseurs de la proposition. Ceux-ci voient également dans une éventuelle implantation à F.H.-Collins la possibilité d’un partage des ressources, notamment sportives, et le développement d’un sentiment de fierté lié à la langue française. La nouvelle notoriété de l’Académie Parhélie ainsi que son emplacement central entraînerait selon eux une meilleure rétention des étudiants.
Du côté des opposants à la négociation, on avance l’argument massue de l’assimilation pour défendre une Académie Parhélie indépendante. La peur de l’intimidation et d’être vus comme des élèves de second plan renforcent également le refus. Les élèves pointent également du doigt le manque d’information et considéreraient une négociation comme un désaveu de la CSFY.
Également consulté, le personnel de l’école rejoint globalement les élèves sur leurs positions : aspect social, rétention et augmentation des activités pour les partisans de la négociation, assimilation et sentiment de dépendance pour les opposants.
Ouverture, doutes et refus
Au même titre que les élèves et le personnel, le public est resté très divisé sur la question. Alors que certains intervenants se sont positionnés en faveur d’une ouverture des négociations, d’autres ont émis des doutes, avançant souvent un manque d’information, et d’autres encore des refus catégoriques.
« Pour moi, l’idée de s’amalgamer avec une école anglophone, c’est inconcevable. Ça va contribuer à faire de l’école un outil d’assimilation plutôt que de la contrer », assure Richard Johnson, dont la famille est franco-manitobaine depuis plusieurs générations.
D’autres, comme Daniel Latour, s’interrogent.
« On ne peut pas prévoir ce qui va se passer quand les élèves partageront leurs repas et possiblement leurs cours. Sommes-nous prêts à prendre ce risque-là, qui pourrait peut-être supprimer la majorité des efforts que nous avons fait pour améliorer le français, ici au Yukon? », se demande le jeune homme.
La position contraste avec celle des autres jeunes intervenants de la soirée, tous en faveur d’une migration du secondaire francophone à F.H.-Collins.
« Au secondaire tu veux connaître des gens, tu veux que les gens sachent qui tu es, tu veux sortir, comment est-ce tu fais du social si tu n’as pas d’amis à l’extérieur de l’école? », lance Émeraude Dallaire-Robert qui a rejoint tardivement l’école anglophone « pour une raison uniquement sociale. »
Bien que francophones, Sylvie Geoffroy et ses enfants se définissent avant tout comme des membres de la communauté yukonnaise. Elle affirme que ses enfants veulent étudier dans une école qui représente la communauté dans son ensemble.
« Au secondaire, les enfants commencent à avoir des amis dans une communauté bien plus large », dit-elle. « Pour eux, c’est un bon équilibre de pouvoir être avec des gens avec lesquels ils peuvent se comprendre. »
Les discussions sont ouvertes
Suite à la prise de parole de plusieurs jeunes, l’intervention d’André Bourcier, parent de deux élèves et ancien président de la CSFY, a créé un petit malaise au sein de la salle.
S’écartant quelque peu de la question posée – pour ou contre une négociation –, M. Bourcier s’est interrogé sur la légitimité de la consultation même, demandant directement au ministre Kent de s’engager devant le public à annuler les procédures judiciaires en cours entre le gouvernement et la CSFY, afin de pouvoir discuter sur des bases propres.
M. Bourcier a été interrompu par la modératrice de la soirée et n’a pas obtenu de réponse de M. Kent.
Au terme d’une consultation riche en interventions, la directrice de la CSFY a tenu à remercier la communauté.
« La commission scolaire ne va pas porter cette décision-là seule sur ses épaules. C’est une décision qui appartient à la communauté », a-t-elle rappelé. « Nous avons vu par les commentaires que c’est très divisé mais aussi très rassembleur. »
Se basant sur les interventions de la soirée et les commentaires reçus par courriels, la CSFY a d’ores et déjà annoncé qu’elle allait entamer des discussions en suggérant de tenir une étude de gestion par l’analyse et valeurs et des besoins, incluant des élèves, des membres de la communauté, du gouvernement et des établissements scolaires.
Lorraine Taillefer a promis qu’un retour à la communauté sera effectué, mais qu’un vote est encore prématuré.